Irreverent XI : L’autre

 

On se souvenait d’elle comme d’une silhouette longiligne, drapée de noir et blanc. Et la voici plus trapue et faisant feu de mille couleurs : superbe. L’adjectif affleure dès le feuilletage du nouveau numéro d’Irreverent (le n°XI) fabriqué par Denis Esnault. Autour du motif de « L’autre » figuré en couverture par une œuvre de Ricardo Mosner – revisitant le tableau de Delacroix, Le combat de Jacob avec l’ange – 38 contributeurs – créations littéraires, créations graphiques et photographiques – tressent les 126 pages de la revue. Comment serrer tant de matière en si peu de pages ? C’est que la revue ne se contente pas de faire coexister textes et images sous l’atonie illustrative, le plus souvent les œuvres publiées procèdent d’un intime mixage : ici, le poème se déploie avec une suite photographique (Flore Aël-Surun/Pierre-Yves Bruneau), là, une prose s’ombre de gravures au noir (Isabelle Simonnet/Pascale Hemery), plus loin c’est la même plume qui arrime un poème fleuve à des dessins (Delphine Bretesché, L’autre bouquet final) …L’autre, matière de rêve ou de cauchemar. L’autre, le revers intense, insondable de soi. L’autre, c’est aussi le même qu’on ne peut plus identifier : des séries de visages solarisés, certains anonymes encore sous une dentelle de papier, d’autres enfin dé-figurés sous une sorte de prothèse de couleur. En ouverture de la revue, Rimbaud le voyant et pour la clore, Pessoa de tous les noms, de l’un à l’autre, Irreverent aura déroulé en cascade les troubles dans l’identité …Et si au fond, cet Autre ici guetté était la revue même dans l’alchimie qui lui est propre : fondre le divers (de couleurs et de mots) pour sculpter une créature inédite et unique ?

 

Pour son lancement parisien, la revue sera l’hôte de la librairie Le Monte-en-l’air le 12 février prochain.

 

Frédéric Repelli