Études, n° 42

 

La dernière livraison de la revue Études publie une étude du sociologue Farhad Khosrokhavar consacré aux trajectoires des jeunes djihadistes français. Directeur d’études à l’EHESS et directeur du Centre d’analyse et d’intervention sociologique (CADIS) l’auteur a publié un ouvrage essentiel sur le phénomène de radicalisation (Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2014). Il synthétise ici ses analyses et présente les nouvelles catégories de radicalisés, ces « terroristes maisons » qui trouvent dans le salafisme « des normes bien définies dans un environnement familial et social où l’autorité est devenue floue ». Il identifie trois catégories : celle des jeunes « désaffiliés » et exclus de la société, celle des « nouveaux jihadistes de classe moyenne » et il évoque l’apparition d’un jihadisme féminin où une « vision naïvement romantique de l’amour se conjuguerait avec l’attrait de la guerre ». Ce phénomène ultra-minoritaire mais ultra-spectaculaire est décrit avec précision, sans développer cependant la question cruciale des origines socio-économiques du phénomène. L’auteur éclaire les mobiles socio-psychologiques de ces enfants perdus de la modernité : « Il tuera, fera peur, se fera haïr et tirera fierté de cette stature nouvelle qu’il a conquise en occupant la “une” des médias. Il surmonte l’anonymat et l’insignifiance par la fascination malsaine qu’il exerce sur des médias prêts à répandre l’image du “héros négatif” qu’il apprécie d’autant plus qu’il inspire une peur absolue aux autres. » Plus approfondie qu’un article de presse, plus rapide à lire qu’un ouvrage, cette synthèse est d’une utilité certaine.

 

Dans le même numéro, on lira un article sur le  mouvement Hizmet de Fethullah Gülen. Opposé au gouvernement conservateur de Recep Erdogan, ce mouvement « socio-religieux » turc favorise l’éducation, le dialogue interreligieux et les échanges économiques et commerciaux. L’article est signé par Bayram Balci, chercheur au CERI.

 

Voilà pourquoi il faut lire des revues généralistes : sur des sujets brûlants et importants souvent parasités par de prétendus « experts » autoproclamés ou des idéologues, elles rendent accessibles les fruits de la recherche et du travail savant.

 

François Bordes