Les Moments littéraires de Lydia Flem

Serge Poliakoff, Composition abstraite (1950-1954) (Pedro Ribeiro Simões)

 

Les Moments littéraires (n°33, mars 2015) consacrent un fort dossier à Lydia Flem à l’œuvre multiple qui conjugue psychanalyse, écriture et photographie. Gageure de capturer dans un portrait unifié une figure si mobile: « il y faudrait une multitude de touches et de traits différents, risquer un portrait tout en superpositions, lignes de coupe, arrière fonds. Et une rare délicatesse de pinceau. » concède Claude Burgelin qui ouvre le numéro par une analyse profonde et fine du travail de Lydia Flem dont avec cette « façon mobile et ludique d’intriquer imaginaire et réalité, quotidienneté et mystère, esprit d’enfance et gravité, un autoportrait a pris forme ». Suit, à la faveur d’un entretien au long cours mené par Gilbert Moreau, le directeur de la revue, un manière d’autoportrait de Lydia Flem, interrogée sur sa vie (l’enfance douloureuse, le compagnonnage avec Ménie Grégoire, la rencontre avec Françoise Dolto…), son œuvre tout particulièrement Comment j’ai vidé La maison de mes parents – « cela m’a permis de traverser l’orage émotionnel que constitue le deuil » – et La Reine Alice, récit de sa victoire contre le cancer. Autant de réponses qui permettent d’approcher sa pratique de l’autofiction, cette alchimie qui de l’intime fait œuvre. Cinq textes poursuivent la livraison et étoilent les talents anciens et multiples de Lydia Flem : depuis un poème écrit à l’âge de 10 ans jusqu’à la préface destinée à une édition japonaise de ses Lettres d’amour en héritage, en passant par deux récits qui suspendent la partition entre réel et fiction. Déroulé comme un regret superbe, empreinte de mémoire personnelle (ou presque : on comprendra la lisant), une Lettre à Paul Celan, en fait un long poème : « Pardonne-moi Paul de t’écrire, mais je n’ai personne/D’autre à qui m’adresser. /Tu es la Rose de Personne./Rose est mon nom./Ma douleur est sans paupières. »

 

Dans ce même numéro, une rareté, comme aime en débusquer la revue, le Cahier du peintre Serge Poliakoff, maillé de brèves sentences comme celle-ci : « Apprends à te regarder de loin. »

 

Lydia Flem, quant à elle, n’a cessé d’apprendre à se regarder de près, de si près parfois que ce qu’elle voit vient d’avant elle.

 

Vincent Dunois