arearevue)s(

par Sylvie Mokhtari
2002, in La Revue des revues no 31

« Area » couvre un territoire, celui de l’art. Pour le définir, la revue nous soumet des points de vues pluriels et spontanés. Les nombreux entretiens qu’elle recueille alimentent sa pluralité, sur le mode de la prise de parole, de la rencontre et du dialogue avec des artistes, des professionnels de l’art et des amateurs.
arearevue)s( investit en priorité un champ, celui de l’art contemporain et des questions qui l’animent aujourd’hui. Une orientation thématique donnée à ce premier numéro justifie l’urgence d’un débat actuel sur l’institution d’art contemporain. Comment mieux définir un « territoire » pour l’art contemporain qu’en se penchant sur l’histoire des institutions qui le [re]présentent et des acteurs majeurs qui les habitent. L’ouverture à Paris, début 2002, du Plateau et du Palais de Tokyo donnent l’occasion à la revue de s’interroger sur l’implantation de ces nouveaux lieux dédiés à la création contemporaine. Cette actualité bénéficie d’un éclairage intéressant dans arearevue)s( en trouvant sa place après un dossier très fourni (d’environ 80 pages) sur François Mathey, commissaire, au musée des Arts Décoratifs à Paris, d’expositions qui ont fait date, telles que Picasso (1955), L’Objet (1962), Artiste / Artisan (1977) ou encore la si contestée, et désormais historique, exposition 60 / 72 : 12 ans d’art contemporain en France (1972, au Grand Palais). On comprend à la lecture de ce dossier le contexte politique qui a préfiguré l’ouverture de l’actuel Centre Pompidou et les fondements du paysage institutionnel parisien d’aujourd’hui.
La figure forte de François Mathey donne toute son envergure à ce premier numéro d’arearevue)s(. Un rappel de sa carrière livre en filigrane un portrait sensible de F. Mathey (grâce à la reprise d’extraits de son journal, de correspondances à sa femme, et de documents divers fournis par sa famille). Le témoignage des rencontres qu’il a faites tout au long de sa carrière, la force des échanges entretenus avec les artistes qui ont retenu son attention (Mathieu, Dubuffet, Rothko, etc.), les polémiques autour des expositions qu’il a dirigées, nous donnent à voir le portrait d’un homme « exposé » aux regards de ses contemporains, et attendu au détour de chacune de ses expositions. Des artistes et des professionnels de l’art qui ont côtoyé F. Mathey portent un regard rétrospectif, élogieux et fascinant sur cet acteur incontournable de la scène artistique des années 1950-80. Pour lui donner une incontestable envergure, il manquerait à ce dossier une analyse plus historique et critique du contenu des expositions réalisées par François Mathey et de ses écrits. Mais là encore, on sent le parti pris d’arearevue)s( qui a privilégié l’impact des témoignages et les points de vue « pluriels » sur la figure de François Mathey pour laisser s’esquisser une petite histoire du contexte artistique, politique et institutionnel dans lequel a évolué F. Mathey.
Revue d’actualité, arearevue)s( montre qu’elle sait jeter un regard rétrospectif sur les décennies précédentes pour apporter un éclairage utile sur l’art actuel et le monde de l’art aujourd’hui. Des entretiens avec des artistes faisant en ce moment l’objet d’expositions en galeries, et des rencontres avec des artistes actifs depuis les années 1960 comme Jacques Monory par exemple, ont aussi cette qualité. Un espace « Forum », réservé à tous ceux qui ont accepté de répondre à la question : « Quel est votre premier souvenir d’une œuvre d’art ? », recueille dans un même élan les réponses de 300 individus. Il précède une suite de pages soulevant d’autres questions (« Mais qui crée les artistes ? ») ou donnant à lire le compte rendu d’expositions liées à l’actualité (Olivier Agid, Magdi Senadji, etc.). Après ce premier numéro réussi, arearevue)s( réserve certainement de bonnes surprises dans les numéros à venir. Les thématiques annoncées sont « Art et Nature » (no 2), « Art et Entreprise » (no 3), « Érotisme et aujourd’hui » (no 4).


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