Corps-Objet-Image COI

par Yannick Kéravec
2016, in La Revue des revues no 55

Les revues de théâtre recensées par Ent’revues ne sont pas par définition de simples programmes. Elles dépassent cet aspect de la production éditoriale pour s’échapper, approfondir ou inviter autour, pour réfléchir à ce qui fait… ce qui fait lieu (Revue Incise), ce qui fait corps ou artefact (Les Cahiers du masque, Puck), ce qui fait scène – et sens – (Ubu, Volailles). Ce qui fait histoire (Revue d’histoire du théâtre).
Voici une nouvelle revue annuelle qui propose tout cela à la fois.
La revue s’intitule Corps-Objet-Image, COI. Elle est d’emblée très dense, 160 pages de texte dru, de nombreuses illustrations et photographies, classique dans sa forme mais très aboutie. Rattachée à un lieu, le TJP [Théâtre Jeune public] – Centre dramatique national de Strasbourg. Lieu de représentation, mais aussi lieu d’expérimentation, de recherches autour des objets, de la matière, de la marionnette.
L’une des rubriques revient sur l’histoire de ce TJP à travers des photographies et documents : il a été créé en 1974. Quelques pages offertes à Tim Spooner, illustrateur pour commencer, un portfolio de photographies intrigantes sur le travail de Miet Warlop pour finir : la revue s’entoure d’images faisant la part belle au corps.
Le copieux dossier « Infra : l’en-deçà du visible » rassemble cinq contributions dont les pages font résonner et raisonner histoire, philosophie, pratiques plastiques, théâtrales, marionnettes, scénographie, sociologie, psychologie…
Attachons-nous au corps de COI : il faut souligner la qualité de la mise en pages tout simplement superbe de Benoît Schupp (agence Mon nom est légion). Voir la couverture ou la façon dont s’introduit le dossier, sur deux pages – préambule, de calque fondu et qui présente les tutélaires – ce sont Breton, Michaux, Bachelard, Foucault, Diderot, Merleau-Ponty… –, des figures dont on retrouve des citations en intercalaire entre les articles du dossier , où la revue se renverse. Remarquer la coquetterie, jamais envahissante, légère, devenant élégance, jeu de points-lignes-surfaces créant espaces ou constellations, s’atténuant, disparaissant, revenant. La marge est très juste, quant aux illustrations, le fond se perd fort à propos.
Pour ceux qui douteraient encore de sa raison d’être, qu’ils se rendent à l’ensemble « Cahiers d’échos », contributions réunies sous le titre « De quoi sommes-nous riches ? » et qui résultent de journées ou de circonstances où le TJP réunissait élèves et intervenants pour échanger, réfléchir et travailler ensemble. Daniel Payot propose « Richesse et expérience », « expérience » à prendre dans ses acceptions d’accumulation et/ou de mise en danger, Mathias Youchenko réfléchit sur « Art et/ou politique ». Anne Barnier revient, elle, sur les journées éponymes qui ont réuni « une quarantaine d’élèves et jeunes diplômés d’écoles d’art – des marionnettistes, des scénographes, des architectes, des régisseurs, des comédiens en devenir ». Cela se passait en juin 2013 : deux ans pour continuer à penser, et mettre en forme, et réaliser cette revue : elle se propose d’être annuelle. Souhaitons-lui de tenir ce rythme.

 

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