Éditorial

par Olivier Corpet
1987, in La Revue des revues no 3

Avec ce nouveau numéro, Ent’revues entame sa seconde année d’existence.
Après une période de démarrage et les approximations que cela suppose, nous voici cette fois à pied d’oeuvre pour établir un régime de croisière. Mais pas une croisière d’agrément où nous nous bercerions déjà d’habitudes tranquilles et rassurantes, puisqu’il s’agit désormais de consolider nos premiers et modestes acquis, c’est à dire de multiplier les points d’application et de diversifier les partenaires de nos différentes interventions. Sinon, l’effort entrepris et les premiers résultats obtenus ne seront qu’épisodiques et précaires, tant il est vrai que toute action dans le domaine des revues, – par définition extrêmement fragile, instable, insaisissable – risque toujours de voir ses effets positifs se disperser très rapidement.
Outre le lancement d’Entrevues en mars 86 sur le stand du Ministère de la culture et du Centre national des lettres du Salon du livre, le point d’orgue de cette première année fut sans aucun doute la première Quinzaine de la revue à laquelle nous avons souhaité associer les différents acteurs de la vie des revues, notamment des bibliothécaires et des libraires.
Pour ce coup d’essai, le résultat dépassa nos espérances puisque finalement c’est environ une bonne cinquantaine de manifestations et d’animations de toutes sortes qui furent organisées aussi bien à Paris qu’en régions. Il y eut quelques ratages, bien sûr, mais tout compte fait, grâce à l’action conjuguée et complémentaire des uns et des autres, on a, pendant cette quinzaine, pas mal entendu parler des revues, bien plus qu’à l’accoutumée en tout cas.
D’ailleurs, ce regain d’intérêt pour les revues se manifeste depuis quelques temps par d’autres signes encourageants comme par exemple la place un peu plus importante faite régulièrement aux revues dans certains quotidiens. Conjoncture favorable confirmée par l’enquête publiée tout récement dans Livres Hebdo (« Grandeur et misères des revues », no 10, mars 1987) à propos des attitudes des libraires enfin, de certains d’entre eux, les plus sympathiques aux revues – qui montre que si les difficultés de diffusion des revues sont nombreuses, il existe des personnes et des lieux disposés à les accueillir dans de bonnes conditions. Ajoutons, pour faire bonne mesure, un autre indice de ce retour en faveur des revues, qui s’exprime dans les différentes propositions faites ces derniers temps à Ent’revues pour nous associer à certaines manifestations comme les colloques autour de La Voce ou des Cahiers du Sud annoncés dans ce numéro.
Un feu de paille que tout cela, un soufflé trop vite monté et bientôt retombé ? Ce serait vraisemblablement le cas si l’intervention d’Ent’revues n’avait pour seul ressort que de « faire parler » des revues à dates fixes, et de s’en tenir là. Alors, en effet, la lassitude l’emporterait rapidement de part et d’autre, et les bonnes volontés finiraient vite par s’émousser. Fort heureusement, cette intervention s’inscrit dans une démarche supposant un travail continu, en profondeur, c’est à dire pas nécessairement visible ni « payant » dans l’immédiat, mais plutôt à moyen et long terme, notamment pour tout ce qui concerne la dimension « patrimoine » du phénomène revue et la prise en considération de la revue en tant qu’objet culturel aujourd’hui menacé. L’inauguration dans ce numéro d’une rubrique « Fonds et archives » marque toute l’attention que nous portons à cette problématique et en particulier tout l’espoir que nous mettons dans une collaboration sur cette question avec des bibliothécaires.
Pour 1987, l’action d’Ent’revues s’organisera donc autour de quelques préoccupations prioritaires :
– élargir et diversifier notre réseau d’abonnés et de correspondants afin d’assurer une présence active de l’association sur tous les lieux où les revues doivent tenir leur place, j’allais dire péremptoirement : leur rang ;
– mettre en valeur le rôle essentiel des revues culturelles et scientifiques dans la promotion de la francophonie ; à cet égard, un programme de recherche et de promotion spécifique sera lancé cette année à propos des revues de l’Afrique francophone et des pays du Maghreb (thème dont on retrouvera déjà un écho dans ce numéro) ;
– développer les contacts, échanges et rencontres entre revues françaises et étrangères, et présenter la situation des revues dans différents pays (les USA, cette fois-ci) ;
– inventorier et développer les moyens d’une politique de patrimoine et donc favoriser et soutenir des initiatives en faveur d’une exploration scientifique (et pluridisciplinaire) du champ des revues. A ce titre, Ent’revues envisage la publication prochaine d’ouvrages et de travaux de référence indispensables aux recherches, documentaires ou autres, dans ce domaine.
Précisons enfin que La Revue des revues n’est pas conçue comme un catalogue d’enregistrement systématique des revues existantes, qu’elles se créent, se transforment ou disparaissent, mais qu’il s’agit d’abord, à travers une sélection obligatoirement limitée et « subjective » de revues dans tel ou tel domaine, de souligner un aspect ou l’autre, de repérer des évolutions, de distinguer des parcours exemplaires, sans autre préoccupations finalement que de donner à voir, ombres et lumières à la fois, l’extrême diversité de cet univers des revues.


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