Éditorial

par Olivier Corpet
1989, in La Revue des revues no 7

La publication dans ce numéro d’un index général des six premiers numéros de La Revue des revues révèle l’étendue et la diversité de la thématique : près de 500 revues passées ou contemporaines ont été présentées ou analysées de manière significative. On commence ainsi à voir se dessiner les contours de ce vase chantier dont seuls jusqu’ici quelques trop rares chercheurs et collectionneurs, bibliothécaires ou éditeurs, tous ardents « périodicophiles» – pour reprendre l’expression d’une petite revue publiée sous ce titre en Belgique à la fin du siècle dernier – avaient soupçonné tout l’intérêt et la richesse.
Un chantier vivant : les différentes actions conduites par Ent’revues ces derniers mois – soirées mensuelles « Vues et Revues » au Centre national des lettres ; rencontre sur les « Revues de recherche et la diffusion du savoir en sciences sociales et humaines » (Paris, 16-17 mai 1989) – ainsi que les annonces régulières ici même des revues qui naissent, disparaissent ou se transforment, tout cela n’a de cesse de témoigner du constant renouvellement et plus encore du travail des revues. Un travail rarement spectaculaire, de préférence souterrain, ingrat, mais essentiel au maintien de formes et de lieux de vie intellectuelle, littéraire ou artistique, jusqu’à preuve du contraire irremplaçables… et irremplacés.
Un chantier international : en participant à l’organisation de la 3e Rencontre des revues culturelles européennes, à Berlin (16-19 mars 1989), en organisant la 3e Quinzaine de la revue (15-30 avril 1989) sur le thème « Des revues du Sud », au cours de laquelle les revues françaises ont pu faire connaissance, et dans certains cas établir des relations avec leurs consoeurs espagnoles, italiennes ou portugaises, mais aussi en publiant régulièrement depuis plusieurs numéros des articles sur des revues étrangères, Ent’revues cherche en priorité à souligner une nécessité : celle d’élargir l’espace des revues, de multiplier les opportunités d’échanges et de rencontres. Avec, sous-jacente, l’idée que la forme revue, aussi artisanale et fragile soit-elle, continue à être, sous la plupart des latitudes, plus « performante » que beaucoup d’autres médias économiquement mieux structurés et technologiquement plus sophistiqués.
Pour poursuivre cette exploration et cette mise en valeur de l’activité revuiste, passée et contemporaine, Ent’revues va donc désormais développer ses projets et organiser ses activités dans trois directions essentielles :
– la constitution, en France, d’une sorte d’observatoire des revues, qui aura pour mission de réunir et de diffuser plus systématiquement que cela n’a pu être fait jusqu’à présent, toutes les informations sur les revues, afin de mieux comprendre les mécanismes économiques et sociologiques qui conditionnent l’évolution de celles-ci. Parallèlement, des études concrètes seront mises en oeuvre pour tenter d’évaluer l’impact des systèmes d’aide à la production et à la diffusion actuellement existants, avec, à terme, le projet d’une comparaison internationale des différentes politiques et procédures en la matière.
– l’internationalisation des réflexions sur le phénomène des revues, grâce notamment à la multiplication des contacts et des échanges avec les organismes étrangers qui mènent une action similaire à celle d’Ent’revues, comme par exemple, l’Association des éditeurs de périodiques culturels québécois (AEPCQ) de Montréal, l’Associación de Editores de lnformación (ASEI) de Madrid, ou le Coordination Council of Literary Magazines de New York. Grace également à l’élargissement du réseau des correspondants réguliers de La Revue des revues et à l’organisation de rencontres entre revues de différents pays (avec, en projet, la tenue, en France, de la 4e Rencontre des revues culturelles européennes en 1990-1991). Grâce enfin, et peut-être surtout, à partir de ce numéro, à la nouvelle diffusion internationale de La Revue des revues, désormais réalisée par la John Benjamins Publishing Co., dont le fondateur et directeur, John Benjamins, est aujourd’hui le plus important antiquaire de revues anciennes du monde. Dans cette perspective, La Revue des revues fera tous les efforts nécessaires (publication de résumés en anglais, ouverture plus large encore aux articles sur des revues de tous pays, publication de certains articles en langue étrangère,…) pour que cette collaboration s’avère rapidement fructueuse.
– le développement des recherches historiques et bibliographiques sur les revues du XXe siècle. Pour cela, la coopération scientifique et éditoriale étroite d’Entrevues et de La Revue des revues avec l’Institut Mémoires de I’Édition contemporaine qui vient d’être créé à Paris (et qui sera présenté dans notre prochain numéro) devrait favoriser un essor considérable de ces recherches au cours des prochaines années.
Ainsi, progressivement, les instruments d’une connaissance plus approfondie de l’univers des revues se mettent en place. De telle sorte qu’on devrait pouvoir commencer à mieux cerner la véritable « énigme » qui est au centre même de ce phénomène : comment un support aussi fragile, éphémère, a-t-il pu si longtemps, et aujourd’hui encore, se révéler si fécond, si indispensable à la vie intellectuelle et littéraire ?

The publication in this issue of a general index of the first six issues of La Revue des revues reveals the scope and diversity of our subject : nearly 500 magazines, both past and contemporary, have been presented or analysed in a significant manner. In this way, we are beginning to define the form of this vast work-in-progress which until now, only a handful of researchers, collectors, librarians or publishers, all ardent « periodicophiles » (to use the expression of a small Belgian magazine published under this title in the latter part of the last century) who have discerned the great wealth and relevance of magazines.
A living work-in-progress : where the different actions undertaken these past months by Ent’revues – monthly meetings « Vues et Revues » at the Centre national des lettres ; colloquium on the theme « Research magazines and the diffusion of knowledge in the Social and Human Sciences » (Paris, May 16-17, 1989) – as well as regular announcements at the birth, disappearance or transformation of a magazine.., all of this activity continually testify to the constant renewal and, especially, the work of magazines. A rarely spectacular work, more often than not, underground and thankless, but one that is vital to the maintenance of the forms and sites of intellectual, literary and artistic life ; and until proof to the contrary, both irreplacable… and irreplaced.
An international work-in-progress : by participating in the organisation of the Third Encounter of European cultural magazines in Berlin (March 16-19, 1989), by organising the third « Quinzaine de la Revue » (April 15-30, 1989) on the theme « Southern Magazines* at which French magazines had the opportunity to meet, and in some cases establish relations, with their Spanish, Italian and Portugese peers, Ent’revues seeks as a priority to stress the necessity of enlarging the field of activity of magazines and multiplying the opportunities for exchanges and encounters. Likewise, Ent’revues supports the idea that the magazine form, even though often artisanal and fragile, continues in most parts of the world to « perform » better than many other medias, even those more sophisticated technologically and with a superior economic structure.
In order to pursue this exploration and this revalorization of the reviewer’s activity, whether past or present, Ent’revues intends to develop its projects and organise its activities in three main directions :
– the constitution in France of a Magazine Observatory whose mission will be to reunite and distribute, in a more systematic way than previously done, all information concerning magazines in order to better understand the economic and sociological mecanisms conditioning the evolution of magazines. In parallel, concrete studies will be initiated to evaluate the impact of the existing support programs to production and distribution with the long range goals of establishing an international comparison of the different procedures and policies in this domain.
– the internationalisation of reflection on the phenomenon of magazines, in particular due to the multiplication of contacts and exchanges with foreign organisations involved in an activity similar to Ent’revues, such as the Association des éditeurs de périodiques culturels québécois (AEPCQ) of Montréal, the Asociacion de Editores de Informacion (ASEI) of Madrid or the Coordination Council of Literary Magazines of New York ; as well as the expansion of Ent’revues regular network of correspondents from different countries (with the project of the organisation in France of the 4th Encounter of European Cultural Magazines in 1990-91), and finally, perhaps most importantly, due to a new international distribution of La Revue des revues, starting with this issue and realised by the John Benjamins Publishing Company whose founder and director, John Benjamins, is the leading collector of rare and contemporary magazines in the world. La Revue des revues will make every necessary effort to see that this collaboration becomes and continues to be fruitful (publishing of synopses in English, including articles on magazines from all countries, publishing articles in a foreign language…).
– the development of historical and bibliographical research on 20th century magazines. A close scientific and editorial cooperation between Ent’revues and La Revue des revues is required, with the Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine, recently created in Paris (and which will be presented in our next issue) which should contribute considerably to this research in upcoming years.
In this way, progressively, the instruments of a deeper understanding will be created, so that we may ascertain the veritable « enigma » at the heart of this phenomenon : how a fragile and ephemeral medium has for so long, and still today, revealed itself to be so fertile and indispensable to literary and intellectual life.

(Translation : Elaine Rudnicki)


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