esquisse(s)

par Marie Paule Chardon
2011, in La Revue des revues n° 46

Un soir d’été 2011, à la librairie Lipsy à Paris. Une rencontre avec le comité de rédaction d’esquisse(s) : Sophie Bobbé, anthropologue, quatre psychanalystes de la SPRF (Société Psychanalytique de Recherche et de Formation) et Anna Angelopoulos, une des auteurs du numéro. Quelques fragments de la rencontre.
« Les caractéristiques d’esquisse(s) ?
« La subjectivité. Il est demandé aux auteurs de s’engager dans leur parole. Pas d’objectivité mais être engagé dans la subjectivité pour observer. L’auteur doit apparaître dans son texte.
« L’inachèvement. On ne vise pas cet inachevé. Il vient par conséquence. Mais il peut y avoir des articles où l’inachevé est recherché par lui-même. Un objet achevé esquive le lacunaire.
« La relation entre les différents textes. Des fils qui fassent écho et donnent à penser. Les harmoniques qui doivent se répondre. Un équilibre difficile. C’est comme un caillou qu’on jette dans l’eau et qui donne des résonances successives.
« Laisser une grande place au lecteur. Être entre plusieurs langues. Voyager entre les résonances des mots.
« esquisse(s) est une revue culturelle. Psychanalyse, anthropologie, faits de société. Pas une revue de psychanalyse qui inviterait d’autres disciplines à s’exprimer sur un thème. Au contraire le désir du comité de rédaction est d’aller vers les autres disciplines pour l’échange, pas pour une position de surplomb. La mise en cause des modes de pensée au contact des autres. Le mode de fonctionnement du comité de rédaction : pas une ligne éditoriale, mais une collégialité par numéro. Quelque chose d’anarchique, de créatif et de non centralisé. »

Quelques jours plus tard, sur l’ordinateur. www.revue-esquisses.com
Quatre numéros en ligne (car cette revue a d’abord été électronique) parus entre 2008 et 2010 : Idées reçues (no 1), Retours (no 2), Surprise, sidération (no 3), Transparences (no 4). Le texte d’intention signé du rédacteur en chef, Antoine Nastasi : « Comment ne pas perdre la chose, comment rester au plus près de ce qu’elle est ? (…) Comment ne pas éloigner l’évocation d’une tendresse, comment accepter la force d’une forme pensée et sentie pour la première fois ? « Oui beaucoup voulurent se détacher de ces signes qui avaient usurpé des choses. Mais était-ce possible, dites moi ? »1 L’esquisse pourrait être ce qui réunit la chose et la pensée de la chose ; et qui ne se perd pas dans son explication. (…) Les esquisses ne se nourrissent-elles pas de ce voisinage inattendu entre la sûreté du trait et l’acceptation de l’éphémère de la pensée ? Et quand une belle échappée survient, n’est-ce pas alors la preuve que la magie, si elle existe, ne saurait être donnée d’emblée ? Nous espérons des textes courts, petits, concis, vifs ; un accent enlevé, un ton qui l’emporte. Une séquence, un surgissement de pensée qui mène à une rupture et trace une voie subite. « Où sont ces temps d’autrefois… où il arrivait qu’un poème, un mot juste, une idée scientifique agisse sur la vie d’hommes mûrs avec la force d’impact d’un véritable choc émotionnel. »2

Encore après, ailleurs, la revue entre les mains. Son numéro 1 imprimé, au printemps 2011. (esquisse(s) annuelle pour l’instant deviendra-t-elle semestrielle ?) Son joli format de poche. Son petit prix (10 euros). Les éditions du Félin. Pas de transformation du projet éditorial. Une thématique. Un entretien (avec Aharon Appelfeld). Douze textes. Sur les treize auteurs, six psychanalystes. Les autres ? Ils sont écrivain, traducteur, enseignant, linguiste, musicien compositeur, danseur et statisticien. Ensuite un texte de Walter Benjamin – un extrait de « La tâche du traducteur » – et c’est tout. Aucune autre rubrique. Ce numéro 1 s’intitule TRADUIRE : « Traduire en émotion, en image, en mot, en regard, en musique, en mouvement… Trouver les passages vers d’autres mondes. » Presque en même temps sort le film de Nurith Aviv Traduire. Des passages, des résonances, des harmoniques…

1. Y. Bonnefoy, « Une autre époque de l’écriture », in La Vie errante, Paris : Mercure de France, 1993, p. 143.
2. S. Ferenczi, « Ignotus le compréhensif », Psychanalyse 3. Oeuvres complètes, Paris : Payot, 1974, p. 248.


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