Frictions

Théâtres / Écritures

par Julie de Faramont
2000, in La Revue des revues no 29

Ce n’est pas son titre qui nous apprendra que Frictions est une revue théâtrale. Au mieux son sous-titre (ou plutôt son sur-titre, si l’on se réfère à la mise en page de la couverture) l’indique comme en passant : « Écritures – Théâtres ». Au pluriel. Le contenu de Frictions préfère en effet l’éclatement à l’unicité. De même que le spectacle vivant privilégie depuis quelques années l’hybridité et, en particulier, aime à mêler au théâtre traditionnel, danse et installations plastiques, Frictions entend inscrire la réflexion sur le théâtre dans une problématique autrement plus large. L’image (photographie, dessin) tient une place non négligeable dans la revue. Sans rapport direct avec le texte, ces illustrations sont comme autant d’interrogations mises en regard de l’énoncé.
Le statut de l’image fait d’ailleurs l’objet d’un questionnement récurrent (c’est notamment le sujet des entretiens de Jean-Pierre Han avec la philosophe Marie-José Mondzain). Lorsque le théâtre est abordé, il l’est, pour ainsi dire, de biais (à travers la notion d’imagination dans l’article d’Edward Bond, « La prochaine scène », ou à travers la perception individuelle du réel dans celui d’André S. Labarthe, « Pour un théâtre impossible », publiés, tous deux, dans le numéro 1).
Frictions publie aussi des textes qui traitent du théâtre de manière plus traditionnelle : les deux premiers numéros s’ouvrent sur des entretiens avec des praticiens (Giorgio Barberio Corsetti, pour le premier, Frédéric Fisbach pour le second). Deux metteurs en scène d’âges et d’origines différents qui, répondant aux questions que leur posent Jean-Pierre Han et Robert Cantarella, tentent de formuler ce qui les motive et ce à quoi aspire leur pratique. On trouve même dans le numéro 2 des critiques de pièces récentes, dont une passionnante analyse du Colonel-oiseau de Hristo Boytchev par Alain Brossat.
Enfin, Jean Jourdheuil et Irène Bonnaud, dans le numéro 2, en amont de notre actualité théâtrale, font retour dans un passé susceptible d’expliquer une situation présente. Irène Bonnaud, dans un article intitulé « Brecht et notre temps », fait une critique sévère de la réception brechtienne de ses dernières années. Jean Jourdheuil, quant à lui, enfourche son traditionnel cheval de bataille pour fustiger, au détour d’une étude sur « La Mère au Berliner Ensemble », l’orthodoxie brechtienne qu’il combat depuis ses premiers pas dans la mise en scène.
Ainsi, Frictions apparaît bel et bien comme un kaléidoscope de textes et d’images dont le théâtre serait un motif déclinable à l’infini. À l’image de notre paysage théâtral, la revue, rompant avec une certaine tradition de la critique universitaire, adopte le mélange des genres et élargit ainsi son horizon. À l’image du théâtre français de ces dernières années, Frictions gagnerait, aussi, à se donner une ligne éditoriale un peu plus déterminée.


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