L’Impossible, et pourtant

par Hélène Favard
1992, in La Revue des revues no 14

Sobriété dans la forme et économie de moyens pour cette nouvelle revue dont le numéro 1 aborde le thème de la crise: « à la fois crépuscule que l’on voudrait voir vaciller et renouveau que l’on guette. »
Derrière le nom énigmatique du comité de rédaction se cache une très jeune équipe dont le noyau dur s’est constitué autour du spectacle théâtral et musical Génération Chaos 1 mis en scène par Marc’O. Un rapide retour en arrière pour rappeler que ce dernier fut directeur de la revue cinématographique ION où Guy Debord publia son premier texte mais aussi mythique auteur des Idoles – happening alternatif – qui, dans les années soixante, lança la génération Bulle Ogier – Kalfon – Clémenti. Cet expérimentateur dont le parcours va du lettrisme aux nouvelles images continue donc à défendre un théâtre qui ne tend pas à la perfection mais à l’immédiat, au nécessaire.
La création de L’impossible…, et pourtant participe de la même urgence.
Conçue comme une « machine expressive », la revue reflète le moment d’une démarche et n’entend pas se figer dans une pensée définitive. Le dessein que se fixe l’équipe de rédaction est ambitieux puisqu’il s’agit de chercher les bases théoriques et pratiques d’une politique culturelle en phase avec les bouleversements sociaux, économiques et politiques de notre époque.
On comprend alors que se soit imposé comme une évidence le thème de la crise, traité principalement sous l’angle de la crise de l’organisation taylorienne du travail, du retard des mentalités et de la distinction entre interprète et acteur. Si les auteurs ne manient la chose écrite avec la même aisance, les témoignages liés à l’expérience conduite avec le spectacle Génération Chaos 1 ou les réflexions plus solides sur le plan théorique (comme l’article de Cristina Bertelli, « Retard culturel : maladie sénile de l’entreprise ») s’entendent sur la nécessité qui s’impose de « se mettre en crise », de « sortir du cadre », de « tendre vers l’impossible » : autant d’impératifs repris par Marc’O dans les « Notes sur l’art d’en sortir », texte sur lequel s’achève ce numéro.
Espace d’expression ouvert au plus grand nombre à la condition expresse que chacun se sente partie prenante d’une volonté de changement radical, L’impossible, et pourtant fera à nouveau reculer les limites dans de prochains numéros sur La Jeunesse, L’acteur et l’interprète, La politique culturelle et L’overflow.


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