Négociations

par Marc Mousli
2005, in La Revue des revues n° 36

Nous vivons à l’âge de la négociation, dans tous les domaines et à tous les niveaux, depuis la cellule familiale jusqu’à l’ONU en passant par l’entreprise. Aucun dirigeant lucide n’attend d’un collaborateur qu’il obéisse sans discuter et sans comprendre. Aucun gouvernant ne peut espérer faire passer un projet sans le négocier avec les intéressés, au premier rang desquels les syndicats et les groupes de la société civile. Ceux qui ne comprennent pas cette évolution sont exposés à de sévères déboires.
Même si cette pratique en expansion a été étudiée, on ne peut pas dire que les rayons des bibliothèques croulent sous le poids des ouvrages qui en traitent. Et jusqu’ici, aucune revue ne lui était consacrée. C’est maintenant chose faite : des universitaires, des praticiens et des chercheurs belges, français, québécois et suisses viennent de lancer Négociations, une revue interdisciplinaire, internationale et de langue française.
La première livraison montre bien la diversité des angles sous lesquels on peut aborder la négociation, et la place qu’elle tient dans nos sociétés modernes. Elle s’ouvre sur un article de Christian Morel, spécialiste de la négociation sociale qui a déjà prouvé à maintes reprises qu’il pouvait traiter sous un angle original et non dénué d’humour les sujets les plus sérieux (notamment dans son dernier ouvrage : Les Décisions absurdes, Paris : Gallimard. 2002). Il discute brillamment le concept de « point focal » de Schelling, autrement dit la négociation tacite. C’est astucieux, amusant, bourré d’exemples, et pas universitaire du tout. Cet article original est suivi de textes plus académiques, qui montrent l’évolution de la notion même de négociation et explorent des domaines comme la justice, attribution régalienne s’il en est, mais qui a dû elle aussi faire une large place au négocié. Le parti pris de publier en français ne va pas jusqu’à écarter les textes intéressants rédigés dans d’autres langues, et ce premier numéro propose un article traduit de l’américain, sur la négociation quotidienne dans les entreprises des États-Unis. Il offre aussi un entretien avec Guy Rocher, un sociologue du droit qui fut deux fois ministre au Québec (de 1977 à 1979 et de 1981 à 1983). Enfin, on y trouve une note de (re)lecture présentant un classique : Stratégie du conflit, de Thomas Schelling.


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