Science(s) politique(s)

par Nicolas Roussellier
1993, in La Revue des revues no 15

C’est encore une nouvelle revue politique, dira-t-on. Un tel nombre n’appartient plus au hasard. Depuis au moins deux ans, la floraison de revues qui choisissent d’interroger la politique, de signe incertain est devenu phénomène véritable (voir les recensions faites ici des revues, Philosophie politique (1991), Politiques (1992), Écologie politique (1992), Le Banquet (1992) et maintenant Science(s) politique(s) (1993)). Phénomène dans la mesure où un certain nombre de caractéristiques communes se retrouvent d’une revue à l’autre, au-delà des différences d’origines ou de la diversité des colorations idéologiques.
Aussi, la dernière née de la série, comme ses soeurs ainées, a les idées larges et un projet ambitieux. Elle donne la priorité aux grands thèmes qui traversent toute l’épaisseur du politique et du social. Elles les abordent de front et sans détour : la « modernité » pour cette première livraison (et un entretien liminaire avec Alain Touraine à propos de son dernier ouvrage, Critique de la modernité), la République pour le numéro prévu en fin d’année 1993. Comme les revues précédentes, elle propose des articles courts et informés qui sont en prise directe avec des sujets de l’histoire ou de la politique immédiate (la crise de la tradition péroniste en Argentine depuis l’élection de Menem, la question des violences racistes et de l’exclusion sociale en Allemagne, la Haute Cour en France, l’Europe dans la confusion de l’heure). Enfin, à lire les articles sur des sujets pourtant divers, Science(s)politique(s) se présente spontanément comme une volonté de re-penser la politique en ce « soir du siècle » face aux bouleversements européens et mondiaux issus de la période 1985-1990. Et ce dernier point n’est pas la moins significative des ressemblances avec ses devancières.
Sciences(s) politique(s) marque cependant sa spécificité dans le concert renaissant des revues d’intervention politique pour au moins deux raisons. D’abord le choix de privilégier le compte rendu ou mieux la réflexion menée à partir de lectures. D’où la part faite aux notices d’ouvrages, en particulier les lectures groupées autour d’un thème (Gérard Mairet à propos d’ouvrages récents sur l’Europe, Myriam Revault d’Allonnes sur des essais concernant Heidegger et Arendt). La nouvelle revue se spécifie ensuite par une volonté de traiter aussi bien le politique pur que le social et le culturel et de les éclairer l’un par l’autre. Si l’impression de dispersion affleure chez le lecteur elle est compensée par une certaine unité dans les références qui intègre en premier lieu l’héritage marxiste. Là réside peut-être le véritable pari et une marque originale : la volonté double de penser l’actualité politique et d’actualiser une certaine façon de penser celle-ci.


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