Vouloir constructiviste et désir surréaliste

par Georges Sebbag
2004, in La Revue des revues n° 35

Sous l’étiquette « constructiviste » sont rangées ici L’Esprit nouveau, Manomètre, Documents internationaux de l’Esprit nouveau, Cercle et carré et surtout la revue introuvable Vouloir, fondée en janvier 1924 à Ronchin-Lille et dont le sous-titre est déjà tout un programme : « Organe constructif de littérature et d’art moderne ». Divers principes animent les revues constructivistes : le vouloir constructif (expression combinée d’un élan créateur et d’un choix abouti), l’unité synthétique propre au vouloir et aux beaux-arts, des schèmes géométriques, l’accent mis sur le présent, la mission sociale et enfin la volonté de fédérer les revues. Chez les surréalistes, la revue est le medium par excellence, servant à la fois de machine offensive et de laboratoire, de création intempestive et de témoignage. Paradoxe : les constructivistes, qui sont des utopistes de la raison, pensent construire du nouveau, alors que les surréalistes, défenseurs de l’imagination, ne font souvent que recoller des morceaux. Reste que surréalistes et constructivistes ont à relever un même défi : comment construire une revue.

Constructivism Intention and Surrealism Desire
In this study, the “constructivist” label covers L’Esprit nouveau, Manomètre, Documents internationaux de l’Esprit nouveau, Cercle et carré and above all the unobtainable review Vouloir, founded in January 1924 in Ronchin-Lille, the subtitle of which is in itself most significant: “Constructive organ of literature and modern art”. Diverse principles underlie constructivist periodicals: the constructive intention (the combined expression of a creative surge and of a carefully thought-out choice), the synthetic unity that is characteristic of intention and of the fine-arts, geometric schemes, the stress placed on the present, the social vocation and the willingness to federate the reviews. For the surrealists, the review is the medium par excellence, used both as a weapon and as a laboratory, for unbounded creation and as a testimony. Paradoxically, the constructivists, who are utopians of reason, believe they are treading new grounds, whereas the surrealists, in their defence of imagination, often achieve little more than patching things up. Yet surrealists and constructivists are faced with the same challenge: how to build a review ?


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