Xoana

par Maria Antonietta Tamburello
1993, in La Revue des revues no 16

« Xoanon » est un vieux mot grec qui « nous parle d’une figure tombée du ciel », une figure qui n’est pas encore image mais qui, devenue image et mal saisie, peut ravager la terre et provoquer «démence, meurtre et sédition ».
Sous ce titre très éloquent, des sociologues, des anthropologues, des ethnologues, des historiens se réunissent dans le but commun de promouvoir une réflexion systématique sur l’utilisation de l’image dans un contexte de recherche scientifique. Dans notre époque où on a tendance à oublier le pouvoir et la force de l’image, s’il y a un domaine où un auto-questionnement s’impose, c’est bien celui des sciences sociales.
L’anthropologie et la sociologie, mais aussi l’histoire, l’archéologie, la linguistique, ont amplement recours aux procédés d’illustration par l’image. Elles en ont fait leur outil de travail, sans pour autant réussir toujours à échapper à la banalisation de cette pratique.
Xoana témoigne d’une prise de conscience et se propose de « fournir un support de réflexion et de débat sur le statut de l’image » dans ces disciplines où « par un processus réducteur assez troublant, l’utilisation de l’image […] est souvent assimilée à la seule « anthropologie
visuelle » ».
En essayant de rétablir une relation entre l’image et le mot à l’intérieur d’un discours scientifique, la revue, soutenue par une volonté d’ouverture, offre aux lecteurs une assez grande variété de textes issus de différentes approches méthodologiques : travaux théoriques, présentations de recherches, analyses de livres, de films ou d’expositions, entretiens avec des chercheurs ou des représentants du secteur audiovisuel, comptes rendus de colloques ou de festivals.
Le premier numéro présente en ouverture un fragment du second volume des Saggi di semiotica de Luis J. Prieto (« Entre signal et indice : l’image photographique et l’image cinématographique »), un ouvrage qui n’a pas encore paru en français. Dans cet extrait est esquissée la possibilité d’aborder de façon systématique la question selon une sémiologie de l’image fondée sur la sémiologie des mécanismes de l’indication dont la théorie avait été énoncée par Prieto dans ses écrits précédents.
Les autres textes présentés dans ce premier volume abordent le problème du statut de l’image ainsi que celui du rapport à l’image, avec des analyses sur son utilisation comme outil et parfois comme objet d’étude même. Dans « La photographie de famille en Afrique de l’Ouest. Une méthode d’approche ethnographique », par exemple, Jean-François Werner cherche à établir les conditions permettant de faire des images photographiques un matériau scientifique dans cette approche ; dans « La photographie et son adaptation au terrain », le sociologue Christian Papinot analyse chez les Malgaches la conception de la photographie, de son objet et du rapport qui s’instaure entre photographe et photographié ; dans « L’historien et les images d’aujourd’hui », Jean-Claude Schmitt analyse les problèmes du choix dans sa discipline d’images en tant que documents historiques.
La Correspondance d’Ernst Gombrich, historien de l’art et directeur du Warrburg Institute de 1959 à 1976, vient enrichir ce numéro par une réflexion sur le statut de l’image dans ses rapports au langage. Et un entretien avec José Antonio Gonzalès Alcantud apporte une ouverture sur l’actualité du débat en Espagne.
Des comptes rendus du colloque de Paris « Images et colonies » et de festivals qui se sont tenus à Grenade, New York, Manchester, closent le volume.


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