Un journal qui a tout d’une revue

 

 

On veut bien sûr parler du journal Hippocampe, né aux côtés de la revue du même nom et inventé par le même Gwilherm Perthuis épaulé par une escouade de chroniqueurs talentueux.

 

Donc, s’il est journal assurément – l’actualité est son carburant – les formats qu’il propose l’apparente au régime éditorial de la revue (bon sang d’Hippocampe ne saurait mentir…). Qu’on en juge en quelques articles prélevés dans le dernier numéro (n°24): Hugo Pradelle consacre une double page à Herta Muller et Svetlana Alexievitch (sans doute plus de 10 000 signes, format qui excède ce qu’il pouvait espérer de La Quinzaine littéraire dont il fut, il n’y a guère, l’une des plumes remarquables) ; la faste actualité éditoriale Pasolini dispose de la même aisance ; Boussole de Mathias Enard pris sous un double éclairage; à la demi-colonne de Didier Cahen dans Le Monde répond la pleine page de Thierry Gillybœuf pour sa chronique poésie. Quant à Paul Ruellan, acolyte de tous les jolis coups de Gwilherm Perthuis, sur deux pages également, il revient sur l’aventure inégalée des « Sentiers de la création » et ferme le journal par un article approfondi sur une modeste (par la taille) et frêle (2 numéros) revue Pan. Article résolument critique. La critique précisément : Hippocampe se paie le luxe (apanage des revues) d’offrir un dossier «  Situation et actualité de la critique littéraire » composé de trois textes qui « visent à s’interroger sur les richesses intellectuelles de la critique et sur le rôle déterminant de ses acteurs » : enquête auprès de critiques et d’écrivains/critiques, retour à Walter Benjamin, et position de l’éclaireur occupé par l’ami Anthony Dufraisse en forment la trame. Si la presse littéraire est aujourd’hui dans une situation morose, voire sinistrée, si la parole critique ne trouve plus où s’exercer pleinement, peut-être faudrait-il aller voir du côté des revues, de leur part critique, là où nulle contrainte (pas sûr…) ne devrait empêcher : vaste chantier, entr’ouvert parfois par nos soins, qui mériterait d’être largement exploité. N’est-ce pas dans leurs fonctions critiques que les revues resteront (ou le devraient) incomparables ?