Panaït Istrati et l’affaire Victor Serge

 

Comment ne pas éprouver émotion et gratitude à la lecture de ce cahier mystérieusement intitulé Le Haïdouc ? Sachons que le haïdouc est dans la littérature populaire roumaine la figure du révolté ou du rebelle qui se dresse contre l’autorité et l’injustice. Le terme est emprunté au livre de Panaït Istrati, Les Récits d’Adrien Zograffi. Présentation des haïdoucs publié en 1925 chez Rieder.

 

Cette petite revue de 56 pages est en 2016 dans sa 34e année d’existence puisqu’elle prend la suite d’une série de bulletins publiée par l’Association des amis de Panaït Istrati*. Fondée en 1969, l’association est à l’origine de la redécouverte de cet écrivain roumain d’expression française (1884-1935) dont l’œuvre littéraire, nourrie au folklore méditerranéen et roumain, fut très vivante en France dans l’entre-deux guerres et inséparable du combat politique qui valut à son auteur, dans le climat de l’époque, d’être vilipendé par les fidèles de l’URSS et plus tard, banni de la mémoire littéraire dans la Roumanie communiste. Depuis la chute de l’empire soviétique, les amoureux d’Istrati en Roumanie ont pu se rassembler avec la ferveur dont témoigne dans ce numéro le texte d’une conférence prononcée en mai 2015 à la librairie « Kyralina » de Bucarest par Camelia Stănescu.

 

« Prince des vagabonds », selon l’expression de Joseph Kessel (président d’honneur de l’association de 1968 à 1979), Panaït Istrati mena d’abord une vie d’errance et de pauvreté autour de la Méditerranée avant de commencer à écrire et à publier dans le début des années vingt, en français, encouragé par Romain Rolland. Compagnon de route du communisme, il est invité en octobre 1927 en URSS, mais le séjour qu’il y effectue jusqu’en février 1929, en compagnie de son ami Nikos Kazantzakis, dissipe les illusions qu’il pouvait avoir sur la vie dans ce qu’il nomme « la patrie de toutes les tristesses prolétariennes ». Il rencontre et devient l’ami de l’écrivain Victor Serge (1890-1947) qui, en tant que membre de l’opposition de gauche au sein du PC soviétique, va être exclu puis emprisonné et sa famille persécutée. C’est ce combat contre l’injustice qu’entreprend Panaït Istrati et que relate et situe Christian Delrue : « Panaït Istrati et l’affaire Victor Serge », dans un passionnant article qui souligne le rôle qu’ont joué à l’époque les revues comme La Nouvelle Revue Française, La Critique sociale, La Révolution prolétariennne, Masses, etc., et aussi aujourd’hui, dans la publication de documents, par exemple les Cahiers Henry Poulaille ou Plein Chant. En tête du numéro, un texte inédit : « Les persécutions politique dans l’URSS. Au secours de Victor Serge » que Panaït Istrati avait envoyé à Frédéric Lefèvre pour Les Nouvelles littéraires et qui ne fut pas publié. Outre un entretien avec l’écrivain et critique Alexandre Talex (1909-1998), ami de Panaït Istrati et éditeur de son œuvre en Roumanie, on consultera aussi dans ce cahier l’intéressante actualité des recherches et de l’édition à propos du bien nommé « Pèlerin du cœur ».

 

Jacqueline Pluet

 

*Les archives de Panaït Istrati sont déposées à l’IMEC.