Cahier André Dhôtel : histoire de la revue 84

 

Le Cahier André Dhôtel consacre l’essentiel de sa 19e livraison à la courte et belle aventure de la revue 84 dont le 1er numéro paraît en mars 1951 pour se clore en mai-juin 1951 après 18 numéros en 14 livraisons. Quatre noms, quatre amis en sont les promoteurs : Marcel Bisiaux en directeur, André Dhôtel, Alfred Kern et Henri Thomas, bientôt rejoints par Jacques Brenner et quelques autres. Sous l’impulsion de Georges Lambrichs, elle rejoint les éditions de Minuit en 1949. Jean Paulhan, influent chez Minuit, actif chez Gallimard et privé de la NRF encore interdite, n’est jamais loin : «  Ne peut-on finalement penser est dès lors un pion dans un jeu plus grand opposant les éditeurs de Minuit et de Gallimard, entre lesquels Jean Paulhan essaie ça et là, de recule des morceaux de littérature ? » s’interroge Nils Blanchard qui offre dans ce Cahier une substantielle histoire de la revue. Pour le reste du numéro, de nombreux extraits de correspondances et des documents, sur plus de 130 pages, composent un portrait pointilliste de 84. À quoi s’ajoute la transcription d’une émission de radio de mai 1951 réunissant quelques-uns des rédacteurs qui se projetaient dans un futur qui n’aurait jamais lieu. AC

 

Bernard Baillaud :

Comment parler d’une revue ? Indiscrète et taraudante, la question trouve ici ses réponses, à mille bornes des kilomètres zéros identifiés. Nils Blanchard a réuni trois centaines de documents autour de deux pôles : la revue 84 et André Dhôtel, avec Antonin Artaud en figure absente. Quelques insertions de commentaire les complètent. Ces documents forment deux cercles non concentriques, deux nuages flottants, libres et intimes. Naturellement il y faudrait mises en perspective, axes de recherche, titres de chapitre, index, tutti quanti et notices. Et la réponse à la question : que voulez-vous dire ? Un document, s’il mérite son nom, enseigne quelque chose. On peut aussi aimer lire. La bibliothèque est là. Le lecteur aurait tort de s’en priver.

Telle qu’elle nous est ici présentée, l’histoire de la revue 84 commence en janvier 1945, au Vaneau, chez André Gide, quand sont réunis, sous les couvertures, Henri Thomas, Pierre Herbart et Jean Lambert — Jacques Brenner n’y est pas encore. Sous ce jour, le 84 de la rue Saint-Louis en l’Isle est une migration symbolique du Vaneau. Les promenades en ville ont lieu sous les auspices de la loi de juillet 1881. Numérotées de 1 à 18, les quatorze livraisons de la revue ont eu lieu grâce à l’héroïsme de Jacques Brenner et à quelques étincelles jaillies des milliards de Florence Gould, ce feu de la Saint-Jean (Paulhan).

Naturellement, au sens numérique, cette livraison est un fichier. Il a été ouvert sur un écran et abondé au jour le jour, par passion neutre. C’est comme ça, semble-t-on comprendre. L’ordre chronologique lui convient parfaitement. Il y a donc une manière de (ne pas) parler d’une revue, qui consiste à réunir dans l’ordre chronologique tous les documents qui la concernent et à les donner à lire. À dresser le dossier des archives et à se taire. Cette manière existe. Qu’elle soit en creux ne signifie pas qu’elle soit creuse ni qu’elle exclue les analyses et les synthèses. Il y a une archivistique négative comme il y a une théologie négative. Celui qui la propose mérite notre gratitude première. Nous en reparlerons.

 

 

 

Cahier André Dhôtel, no 19, « La Route inconnue » association des amis d’André Dhôtel, 214 pages, 15 €

www.andrédhotel.org