Le Citron n° 8 : du crottin, du foin, du bien

Revue fort sympathique, Le Citron a la main verte et la bougeotte. Elle « voit du pays et des paysans », comme l’indique son sous-titre. Précédemment on a ainsi vu passer dans ses pages des producteurs de semences, des éleveurs, des arboriculteurs, des maraîchers, des céréaliers et même, c’était dans le n° 6, des ostréiculteurs du côté d’Arcachon. Cette fois-ci, et toujours dans l’idée de cultiver leur naturelle curiosité et la nôtre (bitumeux que nous sommes), Myriam Goulette, à l’origine de la revue, et ses acolytes pour ce numéro Gautier Rosso (texte), Kelly (photos) et Juliette Armagnac (illustrations) s’invitent chez un couple de bergers, Elsa et David, installés en Midi-Pyrénées. Ils vivent au grand air, entourés de leur cinquantaine de chèvres, allant et venant entre la chèvrerie, la salle de traite, la fromagerie et le pigeonnier de travers (où vit le couple). En d’autres temps, c’était là les terres d’un château tout proche ; l’exploitation vit d’ailleurs dans l’ombre portée de cette histoire de serfs et de seigneur. Nos reporters découvrent ce qu’est une journée-type chez ces gens-là, des passionnés qui savent se faire pédagogues. Les pieds dans le foin, les visiteurs d’un jour apprennent par exemple, et nous avec, qu’une chèvre donne en moyenne 850 litres de lait à l’année. De quoi fabriquer fromages frais, crottins, palets, briques, buchettes ou encore cabécou. La séquence dégustation est évidemment l’un des temps forts de cette amicale rencontre. Au-delà du dossier, il est également question de bergerie et de reconversion dans la chronique que Romain Boissié consacre à Bergère des collines, de Florence Robert, tout récemment paru chez Corti.  Paysage des Corbières, estives, transhumances, présence des prédateurs, agnelage… un récit de vie, là encore. Enfin, Jean Couvreu, qui assure lui la chronique ciné, revient sur deux films en miroir de Georges Rouquier : Farrebique (1945) et Biquefarre (1983), tournés à quelque quarante ans d’intervalle. On apprend que ce diptyque entre docu et fiction sur le monde paysan, fait l’objet d’études dans certaines universités… américaines. Paraîtrait même que Coppola et Spielberg verraient en Farrebique une référence du genre ! Bienveillance, expériences, découvertes, vulgarisation, Le Citron nous oxygène la citrouille et ça fait franchement le plus grand bien.

 

Anthony Dufraisse