DARD/DARD : objectif transition

 

Les toulousaines éditions de L’Attribut publient déjà Nectart qui, rappelons-le, se donne pour vocation de « comprendre les mutations culturelles et numériques ». Voilà qu’elles redoublent d’effort pour, cette fois, nous proposer DARD/DARD, une publication à dominante essentiellement écologique, celle-là. Même format (17×22), même pagination (160 pages) et même présentation graphique : l’air de famille est indéniable (un peu trop, même ; plutôt que cette quasi gémellité, n’aurait-il pas mieux valu les différencier davantage ?). Comprendre est le maître-mot de la cadette comme il l’est, on l’a dit, de la grande sœur. Comprendre, oui, « cette mutation géologique et civilisationnelle en cours, celle de l’Anthropocène et du Capitalocène, appelés à se transformer en une ère nouvelle encore inconnue ». Bien la comprendre c’est-à-dire l’appréhender dans sa globalité, avec toute sa complexité, qui est grande, on le sait (et si on le ne sait pas, c’est qu’il est temps de changer de lunettes…). Cette volonté de raconter un monde en mouvement se veut positive. Elle s’annonce constructive – et de fait, elle l’est. Il ne s’agit pas seulement de dénoncer, d’alerter, de crier au loup du grand dérèglement climatique – c’est chose acquise –, mais de s’intéresser aux démarches des uns et des autres, à celles et ceux qui œuvrent à la « nécessaire transition écologique ». L’initiative personnelle aussi bien que la dimension collective sont ici mêmement privilégiées. Bref, c’est d’avenir et d’évolution dont il est question dans ces pages vertes, pas de noire déploration.

 

La revue se structure autour d’un dossier : pour ce premier numéro c’est la mobilité, notion autrement plus polysémique qu’elle en a l’air, qui est détricotée par des urbanistes, des ingénieurs, des associatifs, des sociologues… Le géographique et le social font une maille au-dessus, une en-dessous. Mais plus que la thématique centrale, c’est peut-être la section des portraits, une demi-douzaine en tout, qui retient le plus l’attention. Là on est dans le  concret, là on a les mains bien dans le cambouis, là on est à hauteur d’hommes et de femmes impliquées pour la bonne cause (Mère-Nature bien sûr) à travers des projets* prenant des formes et des chemins très variés. Pastoralisme, reforestation, réorganisation territoriale, sensibilisation à vélo, réinsertion, défense et illustration de l’art d’ensemencer… Ce qui, moi, me fascine assez dans ces itinéraires de vies engagées – ces parcours de vies, comme on dit aujourd’hui –, c’est leur sinuosité, souvent. Comment la quête de sens de celle-là ou de celui-ci les a poussés, un jour, à tout quitter, à tout plaquer, à repartir de zéro. On pense en particulier à ce tandem formé par Elsa Lomont et Florent Preguesuelo. Elle : école de commerce, des expériences professionnelles dans les régimes minceur et le paintball. Lui : un ancien infirmier diplômé en génie mécanique et as du bricolage. Ce qu’ils font aujourd’hui ? Lutter contre l’obsolescence programmée avec la mise en place d’un label… Il faut parfois faire bien des détours pour qu’une existence trouve son tempo, sa féconde utilité. Au fond, c’est un peu pareil pour cette si pressante transition écologique : combien de détours dans les consciences (et les législations) avant qu’elle ne s’impose à tous, définitivement ?

 

Dutch Cycling Embassy / DARD/DARD

Anthony Dufraisse

 

* Une suggestion, en passant : il est bon de saluer l’esprit d’initiative, comme le font les animateurs de cette publication. Il serait bien, surtout, de suivre sur la durée ceux des projets qui émergent seulement. Savoir comment ils perdurent (ou non), voilà qui serait, oui, très enrichissant. Les bonnes idées et les bonnes volontés ne manquent pas, mais ce qui parfois fait défaut, c’est la longévité…