Des particules perdues dans l’espace

© Éditions Vroum

 

Sixième numéro, huit lettres, dix manières de lire, seize partitions.

 

Et autant d’infinis pour définir ce projet éditorial et artistique qui arrive à l’existence à travers la pratique de chacun de ses lecteurs.

 

Comment appréhender ces artefacts ? Morceaux autonomes, partitions d’un grand mouvement aux rythmes singuliers ?

 

Véhicule 6 nous parvient en pièces détachées. Un moyen de se transporter dans les espaces de la création.

 

Guidés par des protocoles, des listes, des étapes à suivre pour se perdre dans l’imaginaire, l’action et la parole.

 

© Éditions Vroum

 

Un véhicule qu’on ne saurait stationner, et qui invite de lui-même à verbaliser. Des cartons de formes diverses qui nous poussent à s’en détacher une fois lus, à les abandonner à d’autres mains, à les faire devenir des transports en commun. Faites une incartade sur la nationale de l’inventivité avec « Redistribution » de Mathieu Saladin. Posséder la notion de partage plutôt que de partager l’idée de propriété. Car après tout, tout se remplace, même les cacahuètes de Yoann Thommerel.

 

Si vous ne suivez plus, c’est parce que c’est à vous, lecteur, d’incarner ces œuvres !

 

Prendre, disséminer, laisser essaimer. Véhicule forme et prend forme lorsqu’elle devient morceaux épars. C’est un kit qui a plus d’un double.

 

Après les expériences familiales schismatiques de décembre, il est temps de réengager le dialogue avec l’autre, avec ses enfants déshérités, rebattre les cartes et les distribuer. L’autre virevolte au-delà des contingences humaines. Avec le « Kit d’invocation de Itoukasip Fraummaï 2Vil », Anaël Castelein nous offre un aller simple pour la géhenne, par étape, et chacune dérape.

 

Après tout, c’est au lecteur de choisir sa destinée. Ou de l’inventer.

 

Une pochette au contenu d’un esthétisme intriguant. On y pioche des objets, interpellé par l’envie de manipuler ces partitions couleur pastel.

 

Car « Véhicule 6 » s’apparente à un cadre qui pousse à en sortir. On se plonge dans cet objet, qui nous renvoie en tant que sujet. Il nous incarne.

 

 

Ouvrir la porte du véhicule, y entrer, rencontrer seize artistes, se serrer les coudes, baisser les fenêtres et jeter bon gré mal gré les pièces qui le composent. Des particules perdues dans l’espace.

 

Il ne reste que nous, conducteurs, pour les faire exister, ici et ailleurs.

 

S’exprimer par le silence en partageant les interrogations de Ludovic Bernhardt. Dessiner ses postures (moment d’auto-flagellation pour les habitués de l’échine courbée) selon les principes de shifting-pop de Linda Hayord. Ou ne rien comprendre à ce qu’est une pipe, car souvent ce n’en est pas une, mais marcher comme telle, dans les pas d’Anabelle Hulaut.

 

Alors, après avoir semé, vécu, on partage encore. Un mail pourra être envoyé aux éditions vroum, pour donner des nouvelles de l’enfant-numéro-6 adopté, élevé, perdu.

 

Sirîne Poirier