En noir & blanc

 

Deux nouvelles revues sont venues se présenter au dernier Salon de la revue, également plaisantes et intrigantes, inspirant un compte rendu croisé, car les ressemblances sont nombreuses pour ces deux titres œuvrant dans le champ poétique et ayant opté pour un noir & blanc de bon aloi.

 

C’est souvent un non-choix, une raison purement économique qui amène à imprimer ainsi – la couleur coûte cher, pour des résultats pas toujours satisfaisants de texture, de nuances. Le passage de l’écran au papier réserve le plus souvent des décalages. Ceci ne règle pas la question : le format, les polices, la mise en page vont façonner le berceau des textes, contribuer à créer l’ambiance qui présidera à la lecture.

 

:arts:publics: pouvoir, pouvoirs, contre-pouvoirs et OLGA poésie non poésie : les couples titre/sous-titre déjà intriguent, apportant la contradiction (la dispute) dans les thématiques.

 

OLGA y surajoute le thème d’une enquête à chaque numéro. Pour ce premier numéro, c’est « comprendre », terme qui s’imprime illisible sur trois larges lignes, et bien d’autres – « coudre », « Jean-François », les « nouveaux pieds »… – sont annoncés.

 

– Pourquoi Olga ?

–  C’est le nom de mon chien.

 

Ces lignes nous y accueillent vivement. Alors qu’il faut aller au centre de la seconde pour trouver une manière de sommaire, circulaire et rayonnant, obéissant à deux sens de lecture, classique et à rebours. Un éditorial intitulé « Que peut encore le poème ? » nous précise l’enjeu de la revue, et le sens du sous-titre, jusqu’au pouvoir de l’expression poétique (y compris politique). Ce sommaire est reproduit, libre, comme une affiche pliée : le dos carré collé ne laisse pas s’ouvrir complètement la revue.

 

Sommaire volant de :arts:publics:

 

OLGA précise en une page ses intentions : c’est « une revue qui s’intéresse à l’aventure des formes qui sortent de la poésie-poésie. » Puis une page de sommaire, en vis-à-vis d’une photo d’Olga : sommaire déroutant, qui numérote les auteurs et non les pages (j’en compte 88), et pas dans l’ordre : 2. Jeff Nimp suit 4. Gilles Cabut, puis l’on croise 14. Thomas D. Lamouroux (l’hôte de ces pages), suivi de quinze autres – Guylaine Monnier, Charles Pennequin… – jusque Judith Estela Britez Di Sano qui porte le n° 1. Logique ! Logique lorsque l’ours nous apprend que la numérotation fut établie par Rose, 3 ans.

 

Alors qu’:arts:publics: s’organisera dans les deux sens avec une torsion cependant, pour les topographes : la numérotation des pages s’inverse. Ainsi, les pages impaires à rebours sont suivies de pages paires, bouleversant nos habitudes de lecteurs. Il y a du jeu dans ce dispositif, sérieux. Les première et quatrième de couverture égrènent, numérotées, les listes des auteurs croisés dans un sens ou l’autre (17 en « face A », qu’introduit (ou finit) Adrien Lafille, 12 en « face B » où Christophe Esnault conclut (ou inaugure). Entre temps, la mise en page pour chaque texte s’adapte, qu’il soit ou non illustré, au rythme, à la scansion. Parfois la page entière compose le cadre graphique des mots posés, toujours en ces petites lettres. Le berbère de Tarik Braïk n’est pas traduit, le japonais de P-S Ignota l’est, pour trois courts poèmes. D’autres noms tracent des itinéraires – R. Omaya, Manuela Legna, Lina Mor, Hannah Ko, Ikram Chaïb-Draa, Archi Signator (!), Katarina Vilieava… ; G. Gomez-Meija, Zia Patrouchkaïa…

 

Ressemblance encore, le papier non couché dans les deux cas, très blanc pour :arts:publics: Le format est un A4 pour cette dernière, un presque A5 pour OLGA (15 x 21 cm). Le rapport au noir, à l’encre apparait cependant opposé, ou s’explique par ces dimensions. Les textes poétiques exigent leur mise en page propre, s’adaptent. :arts:publics: les décline dans une même et classique police en corps 11, si je ne m’abuse, et ne point chercher à saturer la page. Les quelques illustrations seront comme atténuées, dilatées (notons l’apparition de quelques QRcodes : munissez-vous de l’appareil idoine pour aller au bout de l’expérience).

 

Les pages plus ramassées d’OLGA vont poser textes et illustrations de façon plus dense, à l’encre plus grasse, luisante : parfois le rapport s’inverse où la page noire laisse les écritures en blanc. Pour les textes en alphabet latin. Car nombre d’interventions s’apparentent à des œuvres lettristes ? plastiques ? abstraites ? depuis de classiques dessins à des strates d’écriture imprimée, chevauchées (Jeff Nimp), à l’étrange alphabet d’Andrea Alzati, des photos, des images générées par IA (Guylaine Monnier), une manière de roman-photo (« Mes illusions sont des truites » par Angèle Douche). Du chinois au sens propre occupe quatre pages (des signaux wi-fi, collectés par Wen Jie Junjie), des collages complètent l’ensemble de bon aloi.

 

Allez vous y perdre, c’est recommandé !

 

Yannick Kéravec