La Femelle du requin n° 42

 

La Femelle du requin est doublement précieuse d’abord parce qu’elle est une lectrice minutieuse qui sait cuisiner les écrivains contemporains sur l’intégralité de leur travail mais aussi parce qu’elle permet de découvrir des œuvres moins exposées ou très largement ignorées. À preuve son dernier numéro, le 42e déjà.

Le premier des deux grands entretiens que donne, comme à son habitude, la revue est consacré à Emmanuel Carrère. Sans doute penserez-vous qu’on l’a beaucoup vu, entendu jusqu’à satiété ces derniers mois à propos de son Royaume. Peut-être, mais qui a pris le temps de lire et de l’interroger sur ces livres d’avant La Moustache ? Qui en garde mémoire sinon le « gang » de La Femelle et l’auteur qui «ne les trouve pas terribles » ? Qui aurait eu le simplicité de lui demander « D’où tu parles toi ? » Où trouve-t-on formulée une intuition de ce genre : « …on ne peut s’empêcher de voir perpétuellement à travers vos livres des sortes de définitions de l’adversaire. » À quoi l’auteur de L’Adversaire répond : « l’adversaire est votre plus proche collaborateur. Votre meilleur associé, d’une certaine façon. ». Les deux affirmations trouvant un rebond à la fin de cet entretien d’une vingtaine de pages : « Ce surmoi [d’écrivain], c’est votre adversaire. » dit La Femelle, « Oui, un adversaire orgueilleux et perfectionniste. » répond l’écrivain. Pas de surmoi chez les questionneurs de la revue mais bien un perfectionnisme de lecteurs acérés.

 

Le second entretien aura pour beaucoup le parfum d’une découverte. Il nous mène à la rencontre d’une écrivaine roumaine qui, à son compteur français, n’a que trois livres traduits chez Gallimard (quand même…) : Gabriela Adameșteanu qui emporte dans ses romans l’histoire souvent douloureuse de son pays mêlée à la fragilité des êtres.

 

On n’oubliera surtout pas que chacun des entretiens est précédé de notes critiques sur l’intégralité des ouvrages des auteurs. En retour, chaque écrivain offre à La Femelle du Requin, un inédit. Assurément, elle le vaut bien.

 

Frédéric Repelli