« Filmer la Littérature »

 

 

Créée en 1993, la revue trimestrielle Images documentaires, ou iDoc, affiche un format un peu supérieur à celui d’un livre de poche, un dos rouge et une centaine de pages au numéro. Soutenue par le Centre national du Livre, par le Centre national du cinéma et de l’image animée et par la Société civile des auteurs multimédia, elle se consacre entièrement au cinéma documentaire.

 

Ordonnancée en trois parties, chacune de ses livraisons propose une rubrique « Films », un court texte de  « Parti pris », et surtout un fort dossier thématique qui analyse l’œuvre d’un réalisateur – Jean-Louis Comolli, Sergueï Loznitsa ou Frederick Wiseman ont fait l’objet de fascicules doubles –,  traite des thèmes aussi divers que l’animal, les voyages, l’enfance, la folie, considérés sous le prisme du 7e art, ou encore s’interroge sur les rapports entre les différentes forme d’arts. Après « Filmer la musique » en 2013 et « Filmer la peinture » en 2015, le premier trimestre 2023 s’intéresse à « Filmer la littérature ».

 

Deux films du documentariste suisse Richard Dindo, Homo Faber (Trois femmes) (2014) et Le Voyage de Bashô (2019), particulièrement admirés par Catherine Blangonnet-Auer, la directrice de la rédaction qui introduit le numéro 109, ont inspiré ce thème. Richard Dindo a beaucoup travaillé à partir des œuvres d’écrivains (Rimbaud,  Kafka, Frisch, Genet, …) et il est d’ailleurs l’un des auteurs de ce dossier, aux côtés de Gérard Collas qui écrit sur le cinéma en tant qu’art total, héritier fécond de tous les autres qui l’ont précédé ; de François Caillat qui s’attache à  singulariser voix off et voix in ; de Christophe Loizillon qui convoque Georges Perec par l’intermédiaire d’un film de Jean-Christophe Riff tourné en 2007. Trois autres articles, par Jerôme Prieur, Jean-Paul Fargier et Daniel Deshays, sont des reprises de textes parus en ouvrages.

 

 

 

Tous ces auteurs, pour la plupart réalisateurs, veulent servir la littérature et la faire aimer. Ils nous plongent ici dans la foultitude des questionnements que pose l’écrit lorsqu’il tente de s’incarner sur une pellicule. Les images doivent-elles traduire le texte ou se contenter de l’illustrer ? Au temps du muet, le texte et l’image apparaissaient séparément sur l’écran, mais quand le parlant est arrivé, qui disait vraiment le texte, de l’image ou du son ? Qui de la voix off, celle du récitant, ou de la voix in, intérieure, intime, sorte de pensée oralisée, parle le plus justement au spectateur ? Un mot est-il un énorme paquet d’images ? Est-ce qu’une image ce sont mille mots ? Qui met en scène l’autre : l’image ou la parole ? On a vu, ou plutôt entendu, des films où le texte ne s’accompagne que d’un écran noir ou blanc. Alors, les mots ont-ils besoin ou non des images ? Si oui, comment les faire valser harmonieusement ensemble ? Comment trouver l’alchimie qui consacrera la fusion du texte, de l’image et du son ? Danièle Huillet incitait les comédiens à ne pas se soucier du texte, à s’occuper d’abord du rythme. Marguerite Duras disait que la coïncidence entre l’image et la parole comblait le spectateur d’évidence et de jouissance… Autant de questions ouvertes, de réponses possibles, discutées savamment.

 

La deuxième partie de ce numéro, « Films », offre la recension de neuf longs métrages produits en 2021 et 2022, suivie d’une sélection de onze films récemment sortis en DVD dont le long métrage de 1934 sur l’expédition Citroën en Asie, et de deux courts sur l’Algérie, tournés au début de son indépendance.

 

La dernière rubrique, « Partis pris », revient quant à elle sur une collection d’émissions télévisuelles lancée par Denis Freyd en 1989, qui, comme autant de préfaces de romans, avait pour objectif de faire découvrir des écrivains disparus du XXe siècle.

 

Ce fascicule d’iDoc se clôt sur une page annonçant les deux prochaines rencontres organisées (en mai et juin 2023) par l’association « Images documentaires » qui publie la revue. Y seront évoqués Proust, Char et … Dieu.

 

Laurence Motoret

 

Coordonnées de la revue