Germinal : première graine

 

Germinal est une nouvelle revue qui intervient dans le champ des idées générales et de la politique. Son premier ancrage est celui de la gauche républicaine et relève, au sens large, de la mouvance socialiste. Certains observateurs ont déjà relevé qu’elle était éditée par Le Bord de l’eau connue, entre autres, pour sa collection « Bibliothèque républicaine » longtemps animée par Vincent Peillon et qu’elle était dirigée par Nathan Cazeneuve, agrégé de philosophie et normalien, doctorant à l’EHESS et travaillant sur « L’État social et la théorie de la souveraineté ». Germinal s’est doté d’un comité de parrainage prestigieux, avec de nombreux économistes (Michel Aglietta, Julia Cagé, Guillaume Duval, Gaël Giraud, Dani Rodrik), les philosophes Dominique Méda et Philippe Descola, et les historiens Patrick Boucheron et Patrick Weil, et d’un comité de rédaction très étoffé, avec une dominante encore d’économistes (Tristan Auvray, Hugo Bruel, Xavier Ragot, Alexandre Ouizille, président du cercle de réflexion Hémisphère gauche et élu socialiste, etc.) et de philosophes (Frédéric Brahami, Alexandre Escudier, Bruno Karsenti, Jean-Yves Pranchère, Marion Bet, Emma Carenini, Julia Christ, Pierre Lauret, entre autres), accompagné de quelques juristes (Thomas Branthôme, Laurence Burgorgue-Larsen) et historiens (Christophe Prochasson, Marion Fontaine, Emmanuel Jousse). Le cercle des sensibilités s’y révèle plus large que celui du premier noyau de gauche républicaine : aux côtés d’écologistes de diverses obédiences (Lucile Schmid, Claire Lejeune…) se retrouvent des animateurs du Vent se lève (Lenny Benbara, Laëtitia Riss) proche d’une gauche plus « mouvementiste », sinon radicale, ou volontiers gramscienne (Marie Lucas) ainsi que le nouveau responsable de l’Office Universitaire de Recherche Socialiste (Milo Lévy-Bruhl).

 

Politiquement, l’orientation est clairement définie par la 4e de couverture : « Vive la République écologique et sociale ! » et elle est précisée par un éditorial qui revient sur « Ce que peut la gauche ». Somme toute, il s’agit de rompre avec la réduction de la gauche à un libéralisme plus ou moins teinté de social et de réhabiliter un socialisme entendu comme « économie politique » et « théorie de la justice sociale ». Le point délicat est que cela ne doit pas passer pour autant par une nostalgie mélancolique du socialisme traditionnel, mais par un « socialisme écologique » porteur d’une « dynamique d’extension des principes de liberté et d’égalité » qui se définit aussi par ce qu’il entend combattre : « le nationalisme, le libéralisme et l’anthropocentrisme ».

 

Le premier numéro en propose une première application pratique avec un important dossier consacré au « retour des nations », associant des études de Xavier Ragot, David Djaïz, Alexandre Escudier, Thomas Branthôme, Nathan Cazeneuve, Pauline Galli, Gabriel Zucman et Nicolas Leron, complété par deux grands entretiens avec la sociologue Dominique Schnapper et l’économiste Michel Aglietta et un retour sur la France des « gilets jaunes ». L’ensemble se situe incontestablement à un niveau élevé de réflexion et de références intellectuelles. Il ne nous appartient pas d’en amorcer ici la discussion, sur laquelle nous pourrons revenir dans La Revue des revues, mais peut-être pourrions-nous simplement signaler que ce très riche premier numéro apparaît parfois plus proche du livre collectif que de la revue proprement dite ? Il manque peut-être une présentation spécifique du projet de revue lui-même. Quelles en seront les modalités propres ? L’organisation interne ? Le rythme de parution ? La présentation formelle ? La revue entend-elle développer son carnet de lectures réduit ici à une forme très rudimentaire ? Nous l’apprendrons sans doute avec les prochains numéros, comme cela arrive souvent dans l’histoire des revues. En attendant, Germinal montre une belle vitalité du genre, ce dont nous pouvons nous féliciter.

 

Gilles Candar

 

Germinal, « Le retour des nations », no 1, Lormont, Le Bord de l’eau, 294 p., 15 €