Ici Bazar no 10 : Ici Bazar aux Quatre vents

Gorgée de reportages en immersion où s’entendent des voix habituellement closes, constellée de photographies grand format, élégamment mise en page, portée par une douce et résolue militante, Ici Bazar tranche dans l’univers des revues, un peu comme Le Citron, publication dédiée au monde rural plus chaleureuse qu’acide. « Un autre monde du travail », c’est le mantra d’Ici Bazar qui va à la rencontre de celles et ceux qui conjuguent travail et épanouissement, engagement et transmission. Nous sommes donc avec ce no 10, «  Le sens du vent », en compagnie d’Isabelle Durand, épicière à Moëlan-sur-Mer dans le Finistère. Compagnie exclusive, le numéro lui est tout entier dédié mais compagnie peuplée de toute une humanité : clients, fournisseurs, amis, autant de prénoms égrenés… et bien sûr de Cécile Galvak, l’auteure du long et minutieux reportage qui lui est consacré, un récit au plus proche retraçant l’histoire de cette épicière atypique (la lecture du numéro dira pourquoi), son apprentissage, son énergie, le travail aussi incessant qu’incertain, ses colères, ses doutes, sa fatigue, sa charge de gestionnaire, mais aussi ses choix de vie (que fait donc le mari ?) et de produits (quid du bio ?),  sa volonté de « prendre soin des gens »… « Finalement choisir de se révolter ou de ne pas se révolter, c’est le seule pouvoir qu’on a », dit-elle : pour Isabelle, l’une des révoltes fut, avec cette épicerie, plus qu’un commerce un lieu de vie où l’on commerce, d’« allumer une lumière dans la nuit ». Mais la nuit rôde…

Une fraîcheur vous cueille en lisant Ici Bazar, une parole bienveillante, une écoute sans filtre, traduite dans une écriture de belle tenue. Avant l’océan qui cisèle cette Bretagne et son océan de Leclerc, il a fait bon de s’accouder au comptoir de l’Épicerie des Quatre vents. Qu’on a connu ailleurs et sous d’autres noms et qu’on ne pourra bientôt plus conjuguer qu’au passé. Des zones à défendre.

 

Marc Norget