La Lettre powysienne n° 30

John Cowper Powys vers 1930

 

Frappée de son emblématique triskèle, La Lettre powysienne, 30e du genre, vient de paraître, toujours sous l’impulsion de Jacqueline Peltier. D’abord à John Cowper Powys (1872-1963) mais aussi à sa brillante fratrie (Theodore, Llelewyn…), cette infatigable powysienne qui vit dans les Côtes d’Armor est toute entière dévouée. Représentante de la Powys Society en France, elle anime donc cette revue, modeste objet « fait maison » (maquetté et imprimé par ses soins), qui ouvre sans cesse des voies nouvelles dans l’œuvre de cet écrivain prolifique. Et ô combien : rappelons avec David Stimpson, un des auteurs de ce numéro, que « les œuvres complètes de JCP (si elles étaient réunies) rempliraient plus de volumes – avec les romans, les nouvelles, les poèmes, les pièces de théâtre, les lettres, les journaux, les pamphlets philosophiques et les essais pratiques – que celle de n’importe quel autre écrivain du XXe siècle ». Qualifié par Philip Larkin de « gigantesque Vulcain de la littérature mythopoétique » et par Robert Nye de « Merlin de notre temps », John Cowper Powys, mort à l’âge de 92 ans, a laissé il est vrai une œuvre abondante qui trouve en France un nombre grandissant de lecteurs inconditionnels. Certains, d’ailleurs, se retrouvent parfois à Paris autour d’un dîner pour célébrer le Gallois comme en témoigne, en toute fin de revue, le compte-rendu d’une récente agape à laquelle participaient entre autres Denis Grozdanovitch, notre collaborateur Goulven Le Brech, Pierrick Hamelin et bien sûr Marcella Henderson-Peal, spécialiste de Powys, à qui revient l’initiative de cette régulière réunion…

 

Évidemment, comme tout cahier d’amis cette publication s’adresse plus particulièrement aux connaisseurs de l’œuvre powysienne. Encore que : on peut en tirer profit quand même on est un modeste amateur, ce qui est le cas de l’auteur de ces lignes. Si denses qu’ils puissent être parfois, les textes sont tous accessibles, en général, Jacqueline Peltier veillant à ne pas dissuader par une approche trop exclusivement universitaire les curieux de bonne volonté. Cette trentième livraison s’ouvre sur un exercice d’histoire littéraire comparative signé Amélie Derome et posant Powys en lecteur d’Homère à travers la radiographie de Homer and the Aether, un des derniers textes (1959) de JCP, encore inédit en français. Elle montre « la polyphonie constitutive » de ce roman dans lequel Powys, en revisitant à sa manière toute particulière le texte antique, achève d’enraciner et d’illustrer sa philosophie énergétique de la vie. Suit, sous la plume de l’écrivain dublinois Pat Quigley une évocation de Jack White, un des nombreux et injustement méconnus correspondants de Powys. Ce portrait insiste sur les affinités des deux interlocuteurs et sur le caractère bien trempé de cet Irlandais qui se voulait disciple de Tolstoï, et qui, par ses exigences spirituelles, « aurait très bien pu être un personnage d’un roman de Powys ». David Stimpson s’attarde quant à lui sur Art of Happiness, non pas la version de 1935 mais celle de 1923, un opuscule généralement oublié des spécialistes même, alors qu’il serait fondamental, c’est la thèse de Stimpson, car fondateur au regard des développements ultérieurs de l’œuvre. De fait, c’est dans ces pages que Powys formule pour la toute première fois les grandes lignes de sa conception personnelle du bien-être. Plus personnel, le texte de l’écrivain canadien Jeff Bursey raconte, dans un exercice de « réminiscence étendue », l’influence qu’ont eue tel ou tel des écrits de Powys au moment de la rédaction de certains de ses propres romans. Pour finir, une traduction d’un article tiré d’un dictionnaire encyclopédique russe de littérature anglaise du XXe siècle vient montrer, si besoin était, le rayonnement sans frontière d’une œuvre qui trouve un écho à Moscou aussi bien qu’au-delà de l’Atlantique et de plus en plus, on l’a dit, chez nous. Et d’abord à Lannion, d’où Jacqueline Peltier concocte deux fois par an cette studieuse parution.

 

Anthony Dufraisse