Que le voyage commence

 

 

Il y a parfois une impression d’évidence.

 

Non pas de déjà-vu, c’est quelque chose de plus subtil, comme retrouver une connaissance, sans se souvenir de son nom. Et puis les questions arrivent.

 

Ainsi, le titre de cette nouvelle revue, un mot familier que l’on n’emploie jamais, de là d’où je viens*, puisqu’il parle aux estivants laissant pour de longs mois les ressources des vacances, bateaux ou caravanes. Un sous-titre précise : « Revue Poétique ».

 

La couverture – d’un format, peu banal, pas carré, pas tout à fait – de ce premier numéro s’orne d’une encre mouvementée, organique et abstraite, noire sur le papier sable. Ou alors est-ce un paysage ? Ce détail en bas à gauche, est-ce un personnage ?

 

Dans ce coin, encore une précision : ce numéro a pour thème « Des poètes et des lieux ». Et, verticalement, plus discrète, la mention de la maison d’édition : La Kainfristanaise.

 

 

Un mystère que ce nom, évocateur d’un lointain : en quatrième, le logo, magnifique, profil d’une femme africaine ou créole, mérite l’attention, contient le monde entier, comme le suggère le slogan « Mêler les voix. Réenchanter le monde. »

 

Sur ce même aplat, trente-deux noms de poètes, en rang par deux, indépendamment de leur ordre d’arrivée au sommaire, certains connus déjà, d’autres apparaissant sur la scène poétique, certains au nom promettant déjà des voyages.

 

Au fait, l’hivernage désigne la saison des pluies dans les régions tropicales, notamment aux Antilles.

 

Ils auront respecté le thème proposé par Sarah Colombelle et Stève Wilifrid Mounguengui, les créateurs de cette maison et de cette revue.

 

De une à quatre pages, parfois plus, pour accueillir les poèmes, un, deux ou trois par auteur, et voilà, après une belle introduction de l’éditeur, où son parcours déjà nous emmène, le voyage en poésie peut commencer. Les invitations s’enchaînent, parfois accompagnées d’une encre (de Prajna Yun), d’une photographie (de Stève Wilifrid Mounguengui).

 

Prajna Yun © La Kainfristanaise 

 

Les titres et incipit pourraient seuls dresser l’itinéraire. En voici un échantillon :

 

« Voyages de papier » (Cécile Oumhani), « Le temps du paysage s’imprime en moi » (Bernard Perroy), « Belle mauricienne » (Suzy Desrosiers), « Espace minéral » (Kristian Le Thuault), « J’ai retrouvé un parfum d’enfance au hasard d’une étale » (Nanda Naelle Sandra), « De cette terre sans mémoire » (Sandrine Davin)… et ce n’est qu’un début.

 

La maison d’édition est née en 2020, a déjà édité six ouvrages, et propose un appel à textes, recherche des auteurs, pas seulement dans le champ poétique**. Dans la revue, la variété cohabite, de jeunes découvertes avec des poètes affirmés, connus, pour certains aux riches parcours en revues (bonjour Bernard Perroy, Suzy Desrosiers, Zacharia Sall, Olivier Gbezera, Imèn Moussa, Géry Lamarre, Gracia Bejjani, Benoit d’Afrique, Frantz Kerby Mathieu, Gaëlle Aubin, Pierre Vieuguet…)

 

La revue Lettres d’hivernage est un lieu assurément, maison de poètes, de textes. Et comme dit Stève Wilifrid Mounguengui : « Avant toute chose un chant d’amour ».

 

Yannick Kéravec

 

* Non loin de Tréguennec, qu’évoque Kristian Le Thuault (et que je retrouve au sommaire de Sarrazine n° 22, par la plume de François Rannou !).

**Voir Les temps postcoloniaux, espace critique pluridisciplinaire, que lance La Kainfristanaise.