L’Homme n° 233 : du Paraguay à Séville (via le Botswana)

 

Faut-il encore présenter L’Homme, cette revue française internationalement reconnue dans son domaine, l’anthropologie ? Tous ceux qu’intéresse la discipline se penchent régulièrement sur cette publication trimestrielle qui, rappelons-le si besoin était, a été fondée au tout début des années 60 par Émile Benveniste, Pierre Gourou et Claude Lévi-Strauss. Pour mémoire aussi, elle est éditée par l’École des Hautes études en sciences sociales. Pas de dossier thématique dans la dernière livraison, numérotée 233 et datée janvier/mars 2020, mais des varia, comme souvent d’ailleurs. Des quatre articles de tête, deux retiennent particulièrement l’intérêt (le mien, en tout cas). S’il fallait leur trouver un point commun, ce serait sans doute la notion d’acculturation. Le premier (signé Mickaël Orantin) étudie avec subtilité le vocabulaire guarani du commerce et de l’échange dans les missions jésuites du Paraguay, pendant la période coloniale (XVIIe-XVIIIe siècles).

 

Comment dire les modalités de l’achat et de la vente dans un contexte socioculturel étranger où les missionnaires espagnols veulent sinon imposer du moins introduire leurs propres concepts et pratiques de l’acte marchand ? C’est ce que cette contribution étudie finement, attentive à tout ce que l’auteur appelle les « effets de sens »… La langue porteuse d’un certain horizon d’attente, voilà aussi l’axe de recherche qui charpente le second texte (dû à Leïla Baracchini, en poste à l’institut d’ethnologie de Neuchâtel), à partir d’une expérience de plusieurs années passées par l’auteure dans un atelier d’art au Bostwana. « Réflexion sur la manière dont le sens se négocie », ces travaux montrent comment le choix du titre (« le procédé d’intitulation ») d’un tableau issu d’une culture-source conditionne sa réception dans une culture-cible, occidentale en général et anglo-saxonne en particulier dans le cas présent. Ce qui est intéressant ici, c’est de voir combien « la mise en sens de l’objet » artistique met en évidence l’inévitable (?) ambiguïté des échanges interculturels postcoloniaux. Le dernier tiers de ce premier numéro de l’année 2020 présente aussi de nombreux comptes-rendus de toutes sortes de parutions universitaires plus ou moins récentes, dont une lecture particulièrement développée d’Anne Raulin à propos d’un ouvrage* d’Antoinette Molinié traitant des représentations imaginaires que les habitants peuvent avoir de leur ville, au point d’en faire un théâtre de l’inconscient.

 

Anthony Dufraisse

 

Coordonnées de la revue

* La Passion selon Séville (CNRS éditions).