L’Ouroboros no 6 : numéro vert

 

Et de six pour L’Ouroboros qui ne ménage décidément pas ses efforts pour nous livrer à chaque fois un numéro de toute beauté. Celui-ci n’est pas moins riche que les précédents, vêtu tout de vert laitue, et toujours placé sous le signe de la diversité. Pas un domaine ne semble échapper à la curiosité grande de l’équipe en charge de la revue, emmenée par Odile et Laurent Nguyen-Schœndorff. Les familiers de cette publication lyonnaise, qui a trouvé notamment du côté de la Suisse un précieux soutien financier (à travers les fondations ProHelvetia et Jan Michalski), se réjouiront de la retrouver toujours aussi caméléonne. Les autres découvriront avec plaisir les chemins nombreux qu’elle arpente.

 

Si votre préférence va aux textes poétiques, vous trouverez là « une poignée de poèmes » de Flurina Badel, les écrits sismographiques de Luisa Campanile ou encore quelques extraits du « cycle Jardin dérangeant » de Rolf Hermann, entre autres choses. Les amateurs de photographie seront aussi servis, qui pourront comparer les approches respectives de Vartan Ohanian et Rémi Schoendorff dans le cadre d’un portfolio sériel sur le thème de l’image dans l’image, ou alors le travail de Jacqueline Salmon qui croise peinture et botanique à travers un herbier des plus originaux (son matériau : les représentations picturales d’Ève…). Différentes contributions ayant le dessin pour mode d’expression sont également au sommaire : citons la ménagerie imaginaire de Michel Lasnier (dont un autre Michel, Ménaché, parle fort bien), la palette colorée de Lika Nüssli ou bien les profils arborescents d’un Augustin Rebetez (mis à l’honneur en couverture de la revue). Toutes choses qui ne sont, qu’on se le dise, qu’un dixième de cette livraison de plus de 200 pages grand format où l’acuité du regard porté sur les êtres, les œuvres et les choses est pour beaucoup dans l’intérêt du lecteur. L’acuité, oui, ainsi que la pluralité des registres d’écriture.

 

Quant à nous, c’est plus particulièrement le minimalisme des dessins stylisés et parlants de Lawrence Grimm, un quadra australo-germano-suisse, qui retient notre attention. La rencontre avec Jared Muralt, bédéiste qui a notamment signé la très remarquée saga d’anticipation La Chute (déjà trois tomes parus à ce jour, dans l’attente de trois autres prévus) nous vaut de découvrir ses superbes carnets de travail et des planches inédites. On s’est enfin longuement attardé sur la dernière partie de la revue, joliment intitulée « Notules et renoncules » et imprimée sur un beau papier glacé vert pomme. On y parle danse, expos, cinéma (Samuel Fuller, Jean Grémillon) sans oublier un ensemble sur l’œuvre de l’artiste surréaliste Jean Terrossian (né en 1931) dont Petr Kral disait qu’elle était « scandaleusement méconnue ». Nul domaine, on vous l’a dit, n’échappe à la curiosité de L’Ouroboros, une revue qui s’invite sans complexe sur tous les territoires de la création. Bien après le lointain poète Térence, elle pourrait dire, elle aussi : « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger. »

 

Anthony Dufraisse