Mirabilia n° 11 : en chemin

 

Cette onzième livraison de la revue Mirabilia a pour thème « le chemin ». Pour donner le la de cette quête, les responsables de cette revue ont choisi de publier un texte de l’écrivain autrichien Adalbert Stifter (né en Bohème en 1805 et décédé à Linz en 1868), dont l’œuvre copieuse a consisté surtout à célébrer la nature (le monde minéral, avec Pierres multicolores ou Tourmaline, les régions rurales, comme le Village de la lande, et bien sur sûr le monde végétal avec les Grands bois et le Sentier. C’est un auteur romantique, mais qui s’est distingué de ce qui a été le romantisme allemand car son œuvre ne propose pas une conception de la langue et de la nation. Ce texte est d’ailleurs fort beau car il replace l’homme dans une dimension qui le dépasse, celle de la Nature, mais sans que cette dernière soit écrasante ou menaçante. La nouvelle « Aréthuse » d’Anne Guglielmetti, qui vient en premier, donne bien le ton et l’esprit de cette suite de textes et d’entretiens. C’est un fragment qui se situe dans le droit-fil du prosateur autrichien. Avec son « Histoire des chemins », Gaston Roupel, fait œuvre d’historien à sa façon et nous montre que la géographie des lieux passe nécessairement parce ces passages que l’homme a tracés au fil du temps. Les deux conversations qui suivent sont intéressantes, mais trop axées à mon goût sur la réalité de nos belles campagnes. À mes yeux, ce n’est pas dans une revue littéraire que devraient se trouver ces échanges. En revanche, j’ai beaucoup apprécié « le Chemin des nuages » de Martine Tabeaud & Anouchka Vasak, qui est une vision poétique des phénomènes météorologiques. L’extrait des Carnets du grand chemin vient à point nommé montrer le grand art de l’auteur du Balcon en forêt. Et il faut saluer la petite anthologie des « Chemins de Paris », avec des écrits d’Apollinaire, des surréalistes – André Breton, Louis Aragon, Robert Desnos, Philippe Soupault – et puis de l’éternel piéton de Paris, Léon-Paul Fargue avec un court extrait de D’après Paris (1932). Enfin il faut mentionner la présence d’un très beau cahier de reproductions photographiques. C’est vraiment un beau numéro. Sans doute aurait-on préféré, mettant Paris de côté, que les textes soient des inédits, quand cela était possible, mais le choix de ces fragments éclaire très bien le sujet traité. En fait, il n’y a que peu de reproches à adresser à Mirabilia, car la revue est très soignée et le choix du caractère typographique est aussi beau que la mise en page. Je n’ai qu’une petite remarque critique à faire : je constate qu’une fois de plus Louis-Ferdinand Céline ne figure pas dans ces descriptions « modernes » de la capitale. Et pourtant, les pages de Mort à crédit regorgent de scènes extraordinaires d’un périple vertigineux dans ses rues et avenues, dans ses ruelles ou au-dessus de ses toits, avec une sorte de dynamique accélérée, entre celle, saccadée, des films muets, et celle, dynamique et visionnaire, des futuristes italiens. Selon moi, ses écrits vont plus loin que ne l’ont fait les surréalistes ! Je referme cette parenthèse et salue cette revue pleine de charme et qui recèle quelques trésors.

 

Gérard-Georges Lemaire