Ouvrez, ouvrez les pages aux oiseaux : Bleu n° 1 (chiche !)

 

Franchissez le bleu, comme l’on plonge dans l’eau. La couverture est familièrement énigmatique, comme un rêve, vous regarde. Dès l’ouverture l’on s’évade : cette revue réussit d’emblée le pari de l’équilibre, entre les textes, les vides généreux et les illustrations. Nombre de pages accueillent des oiseaux, perruches ou perroquets envolés, qui dynamisent et élargissent l’espace : nous les devons au travail du pastel à l’huile de Domizia Tossato.

 

D’autres œuvres graphiques – dessins, photographies… – scandent les textes qui tous répondent au thème de cette revue, née en février 2021.

 

Trois parties organisent les 68 pages de la revue.

 

« L’hypothèse bleu » : le bleu sera un absent pour ces enfants qui ne retrouvent pas au dehors la couleur des cartes scolaires (locus cœruleus, Anna-Laure Bonvallon), c’est un remède céleste mystique et concret (ancolie, Rita Omaya,) c’est une question et le travail de poésie et de photogrammes (glyphe, David et Mathieu Bonnand). Un poème se glisse, accompagné d’un oiseau jaune (carambolages, Iskandar Dchicha).

 

« Le bleu révélé » passe la couleur par mille nuances, fantastique (Bleu est ogre, Maxime Dejob), confinée (extraits de Entre deux bleus, Julien Grasse Barbe), nocturne urbaine (flops, texte et photos d’Aurore Queyron), allitérative (black out, Héloïse Balhade), rassurante–émouvante–médicale–enfantine (trente-et-un juillet deux-mille-dix-huit, Élodie Tottoli). La bande dessinée de Matonambo, le douloureux poème de Madi (pollia condensata, bleu comme hématome) et le contrepoint du caraco rouge, de Rita Omaya, complètent cette partie

 

« tuta blu » entre dans le concret des matériaux, des fabriques, du travail des mains ouvrières, artisanales, sous les formes textuelles de l’enquête, du compte rendu, du rapport mais aussi du poème, autre vérité. Ce sont les pâtes de verre, l’oxyde de cobalt (inonder la ville, Mathieu Bonnand), les pigments sur la peau/une assiette transparente (mémoire bleue, Marie Clerel et Sylvain Lorenzo pour la photo, David Bonnand pour le texte), le denim et les ciseaux (toile indigo, Anthony Le Page, David Bonnand).

 

Elle s’appelle Bleu, c’est son premier numéro.

 

Sauf que pas tout à fait : elle s’appelle chiche (c’est écrit en haut, à gauche, en tout petit) et c’est le deuxième, paru en février 2021 : une première livraison existe électroniquement, Chiche n° 0 – « frontière » disponible gratuitement ici sur le site https://issuu.com/chicheestunerevue/

 

Parue en ligne en juin 2020, déjà s’y dessinent ces lignes de forces, variété de formes et richesse d’illustrations, d’œuvres qui accompagnent le thème. J’ai fait passer, j’espère, l’idée de générosité, d’abondance, d’auteurs, ce qui contredit alors la modestie du titre. Ou bien atténue ce qu’il y a d’ambition, pris dans le sens de force créatrice. « T’es cap’ ? Alors chiche ! » Et voilà : du beau travail.

 

Yannick Kéravec