Quaderni del Circolo Rosselli, anno XXXVI, fascicolo 125, 3/2016 : Actualité d’un souvenir

Comment lutter contre la régression de la culture politique ? Comment réactiver le débat démocratique ? Comment « réacculturer » la classe politique ?

 

Ces questions particulièrement brûlantes servent de boussoles aux Quaderni del Circolo Rosselli. Rien de surprenant à ce que ces interrogations proviennent d’Italie, ce laboratoire de la modernité politique d’où nous parviennent souvent les analyses les plus fines de notre temps présent comme par exemple le dernier livre de Raffaele Simone (Si la démocratie fait faillite, Gallimard/Le Débat, 2016). Pour lutter contre la régression de la culture politique et contre l’essor inquiétant de ce que Dick Howard nomme l’antipolitique, les revues restent un espace indispensable.

 

 

Le dernier numéro des Cahiers du Cercle Rosselli revient sur le souvenir de cette remarquable famille. Le dossier « I Rosselli. Attualità di un ricordo » s’ouvre sur l’évocation de la récente restauration du monument en hommage aux frères Rosselli, Carlo et Nello, à Bagnoles-de-l’Orne, cette commune normande où les deux antifascistes italiens réfugiés furent assassinés par la Cagoule en juin 1937. Plusieurs articles étudient la place de la famille Rosselli dans l’histoire intellectuelle. Voici en effet une famille de penseurs, de théoriciens, de militants et d’écrivains qui marquèrent profondément la culture italienne et européenne. En France, Serge Audier a traduit le Socialisme libéral de Carlo (Le Bord de l’eau, 2009) et les éditions La Barque ont publié le puissant poème Document de sa fille, Amelia. Dans le dossier, l’édition de la correspondance avec Giuseppe Saragat (futur président de la République italienne) éclaire les relations entre Carlo Rosselli et les socialistes italiens. Proche de Gaetano Salvemini, le fondateur de L’Unità, Carlo Rosselli avait animé à Florence, entre 1920 et 1924, le Cercle de culture. Il adhère au PSU, le parti socialiste réformiste dont Matteotti était secrétaire. Après l’assassinat de ce dernier, il s’engage énergiquement contre Mussolini, fondant la revue clandestine Non mollare [Ne pas lâcher] et, avec Pietro Nenni, Quarto Stato [Quatrième État]. Après les lois fascistissimes, ces activités sont sévèrement réprimées et les antifascistes emprisonnés ou contraints à l’exil. Assigné à résidence aux îles Lipari, Rosselli parvient à s’enfuir pour rejoindre Paris où il fonde le mouvement Giustizia e libertà rassemblant socialistes et démocrates de gauche. Ce « mouvement d’action révolutionnaire » dont le livre manifeste était Socialismo liberale se proposait d’élaborer une nouvelle forme politique, synthèse du socialisme, du communisme et de l’anarchisme libertaire. Ce courant joua un rôle décisif dans l’antifascisme puis dans la Résistance à travers le Partito d’Azione.

 

La section « histoire et mémoire » du numéro propose recensions et études consacrées à Carlo Levi ou aux mouvements antifascistes en Tunisie, un des relais les plus importants de l’activité antifasciste à l’extérieur de la péninsule. Le livre de Leïla El Houssi (L’Urlo contro il regime, Carocci, 2014) présenté par Francesca Tortorella étudie l’action de ces réfugiés politiques entre 1929 et 1939. Il ne s’agissait pas, alors, de s’abandonner aux tentations délétères de l’antipolitique en se recroquevillant sur un Aventin chimérique.

 

François Bordes

 

Les revues, l’Aventin, ce n’est d’ailleurs pas vraiment leur genre. Elles préfèrent l’agora comme le montrent par exemple deux événements à venir :

  • à Paris, le 28 novembre 2016, à la BPI, dans le cadre du cycle « Place aux revues » en partenariat avec l’association Ent’revues, la Bibliothèque publique d’information (BPI) du Centre Pompidou invite les revues Hermès et Vacarme à organiser une rencontre sur le thème « Dissensus et consensus dans l’espace public ».
  • à Rome, du 7 au 11 décembre, Prima rassegna nazionale delle riviste italiane di cultura organisée par le Coordinamento riviste italiane di cultura (CRIC) dans le cadre du salon Più libri più liberi. Tous les ans, au Salon de la revue, à l’espace des Blancs Manteaux, les revues italiennes sont présentes grâce au CRIC présidé par le professeur Valdo Spini (qui préside également la Fondazione Circolo Fratelli Rosselli). Cette association centrée à Rome regroupe plus de 25 revues majoritairement florentines. On y trouve les Quaderni del Circolo Rosselli, les Studi di Letteratura francese, Mondoperaio, la Rivista di Politica ou Prospero. Pour défendre les revues, les faire connaître, il faut les associer. Le CRIC organise une première rencontre des revues culturelles à Rome du 7 au 11 décembre 2016 dans le cadre du 15e salon de la petite et moyenne édition italienne, Più Libri piu liberi.