Reliefs n° 7 : « Rivages »

La revue littéraire et scientifique Reliefs consacre le dossier thématique de son dernier numéro au littoral. Qu’est-ce au juste que le littoral ? Le biologiste Gilles Boeuf le décrit comme « une mince bande de terre et mer, à moitié sous l’eau et à moitié hors de l’eau ». Situé à la frontière de la terre et de la mer, le littoral est un écosystème tout à fait singulier, évoluant au rythme des marées. Ce « territoire du vide » (Alain Corbin) représente huit pour cent de la surface du globe terrestre. Situé en bordure de la majorité des grandes métropoles de la planète, on prévoit que soixante-quinze-pour-cent de la population mondiale pourrait y vivre d’ici à 2035. Cette surpopulation humaine est et sera définitivement nuisible à l’écosystème pourtant très riche du littoral : poissons, mollusques, récifs coralliens, mangroves, herbiers marins…Toutes ces espèces sont menacées par les activités humaines, par la surpêche, par les arrachages des ancres, par les pollutions diverses et variées. Cette agression humaine des bords de mer est due à une progressive littoralisation des sociétés humaines depuis le début du 19e siècle, ainsi que l’explique la géographe Magali Reghezza-Zitt. « D’espaces répulsifs, soumis aux caprices de la mer, aux attaques des pirates, aux fièvres et aux miasmes des marécages, les côtes deviennent des territoires qui fascinent et attirent les intellectuels et les artistes puis l’élite aristocratique, qui vient y trouver a la fois des paysages sublimes et l’air pur curatif ». On trouve à ce titre dans ce numéro 7 de Reliefs des extraits de La mer  de Jules Michelet, de L’itinéraire de Jérusalem à Athènes  de Francois-René de Chateaubriand et de  Robinson Crusoé  de Daniel Defoe. Loin des imaginaires littéraires des siècles passés se trouve la triste réalité contemporaine de la montée des eaux et la menace qu’elle représente pour l’avenir de l’humanité. Anny Cazeneuve, chercheur en géodésie et océanographie spatiale, nous entretient de cette récente évolution, « conséquence directe du réchauffement de l’océan et de la fonte des glaces ». La mer monte et continuera de monter au cours des prochaines décennies, modifiant considérablement la surface de la planète. Les côtes reculeront, des îles et atolls seront submergés. Christian Buchet, directeur scientifique du programme « Océanides », nous invite à penser à l’avenir de cet espace mondialisé qu’est l’actuel monde des mers, ayant succédé au plus restreint « temps des Méditerranées » et au « temps de l’Atlantique ». Après le biologiste et la géographe, c’est a l’historien, témoin du devenir de la Terre sur la longue durée, de tirer la sonnette d’alarme. « L’homme agresse principalement la façade littorale, qui est le poumon et la pouponnière de la mer, et recèle toutes les ressources dont nous avons besoins pour l’avenir ». Des photographies de Claudius Schulze et Yojiro Imasaka illustrent la fragilité de ces espaces naturels, tout autant que de leur beauté.

 

Goulven Le Brech