Les revues ne prennent pas l’avion : Inflexions n° 31

 

 

Ent’revues était présente au salon du livre de Paris, retrouvant en autres et avec plaisir l’équipe du stand Belgique Wallonie-Bruxelles. Ce n’est pas un point d’honneur que de fréquenter des revues aux moyens réduits, parfois fauchées, prenant plus volontiers (obligeamment ?) le bus que le train pour les trajets Bruxelles-Paris et vice versa. C’est surtout pour ne pas imaginer ce mardi 22 mars 2016, que certaines aient pu être victimes des attentats à l’aéroport Zaventem. Ou encore dans le métro. Et nous pensons à tous.* Au retour du salon, parmi les revues croisées, Inflexions, la revue de l’armée de terre : c’est là un rendez-vous annuel, depuis qu’elle doit choisir le Salon du livre d’histoire de Blois plutôt que le Salon de la revue. Son sous-titre, Civils et militaires : pouvoir dire explique le croisement des réflexions et témoignages de militaires et de civils, souvent spécialistes dans un champ des sciences humaines ou techniques, de la stratégie. On y croise moins souvent des écrivains ou artistes. Si les premiers sous-titres évoquaient le colloque ou les journées d’étude, ces dernières années ils deviennent concis, donnant un thème vaste et passionnant, souvent un verbe – “Transmettre” (no 13), “Partir” (no 18), “Commémorer” (no 25), “Résister” (no 29)–, parfois une exclamation – “Courage !” (no 22) –, une question – “En revenir ?” (no 23) –, un mot – “Le patriotisme” (no 26), “L’honneur” (no 27), “L’ennemi” (no 28), un seul mot – “Territoire” (no 30). Mais rétrospectivement, indépendamment de l’intérêt de ces thèmes, ils semblent tourner autour de points centraux, éviter non le débat – la revue est là pour le susciter ou y contribuer – mais des questions fondamentales. Un avertissement nécessaire sans doute signale que les articles ont été rédigés avant les attentats parisiens du 13 novembre 2015 : c’est le trente-et-unième numéro, paru en janvier 2016 . “Violence totale” ! Constat vibrant comme une déclaration de guerre. Seize contributions qui reposent des questions simples (Qu’est-ce que la violence ? ; De quoi parle-t-on ? ; “Justifier la violence extrême ?” ; “Le processus homicide. Analyse empirique de l’acte de tuer”), remontent à l’antiquité grecque (“Quand tuer blesse. Réflexion sur la mort rouge” [dans l’Iliade]), la Révolution française, le régime nazi, se déplacent sur des théâtres d’opérations de l’histoire et de l’actualité récentes ; un article tristement de circonstances (“La violence, une fin ou un moyen pour l’État islamique ?” de Wassim Nasr) ; et un article d’un psychologue clinicien sur les commandos Marine : ce qu’il faut de violence en soi, ou pouvoir en supporter dans sa chair, son corps et/ou son esprit pour rejoindre ce corps, quelles mises à distance sont à l’œuvre… Et si ces conflits semblent loin de nous, nos villes sont sillonnées sans doute pour longtemps de ces soldats qui sont là pour rassurer, mais portent en eux toute la violence du monde. Monde lointain ou proche. Voisin. Frère. Ami.

 

 

* Jusqu’au 24 avril, une exposition de photographies au Centre Wallonie-Bruxelles de Paris, Bruxelles à l’infini. Et mardi 29 mars à 20h00, une soirée littéraire programmée de longue date, Quelle connerie la guerre !

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