Sabir n° 2 : langues vibrantes

 

On vient de finir Sabir et c’est là, vraiment, une jeune revue à découvrir. Pour son deuxième numéro, toute de turquoise vêtue, celle qui nous vient de Bruxelles met l’accent sur… l’accent. Thème original s’il en est. Ne vous attendez toutefois pas à un défilé d’imitations lourdingues comme on en entend si souvent ici et là sur les planches médiatiques ; non, ce qu’on nous propose à travers vingt contributions et quelque 120 pages, est autrement plus fin que ça. C’est la performativité qui se joue dans l’oralité qu’on interroge diversement ; il s’agit de voir ce dont l’accent est la chambre d’écho. Géolocalisation sensitive, sociohistoire auditive, ponctuation d’un corps, un accent n’est jamais seulement qu’un accent. En faisant vibrer la voix sur telle ou telle fréquence, les « parlers qui sonnent bizarre » (Dalie Giroux), patois, bagout, « langue mutée » (Jérôme Poloczek) et autres baragouins donnent à entendre des vies, des vécus, des résistances intimes et des revendications politiques aussi, parfois. Entre autres exemples résonnent ici les ondes d’un récitant coréen, là les échos du darija, dialecte marocain comme chacun sait, ou, plus familière évidemment, la jactance marseillaise qui compte, « de l’Estaque à Sormiou, des milliards de sortes » (Pascal Hella).  Bref, les langues, vibrantes, se délient ou, au contraire, se replient, comme un serpent enroulé sur lui-même – signifiantes, toujours. Par le récit ou la poésie, le théâtre ou l’essai – toujours des formats courts, rarement plus de trois pages, et souvent composites –, Sabir compose un chœur interprétant un genre de partition sociolinguistique.  À découvrir, assurément, on vous l’a dit.

 

Coordonnées de la revue

 

Anthony Dufraisse