Schnaps! : à la vôtre.

Schnaps! cela sonne bien. Comme un coup de fouet. Une onomatopée. Un borborygme ? Mais non, pas un borborygme.

 

Mais alors, qu’est ce que c’est ? Un livre ? Cela y ressemble, petit, certes (11 x16,5 cm), 88 pages, un dos carré, du papier gris, une belle illustration de couverture. Mais il y a plusieurs auteurs. Un recueil de nouvelles ? de « textes courts » ? Non, pas uniquement. Sur les cinq contributions, seules trois sont autonomes : une nouvelle policière de Mark SaFranko traduite de l’anglais (États-Unis) et « La fille aux seins nus » de Nicolas Mathieu, qui clôt par ailleurs la revue par un poème à l’inspiration érotico-porno-télévisuelle. Et nostalgique. Sinon nous avons des extraits – phrases, paragraphes, parfois une page, ou deux – d’un livre à paraître de Fabien Sanchez ; le premier épisode d’un feuilleton truculent, exotico-sanantoniesque, fleurant le javanais, « L’étrange voyage de l’icône miraculeuse de Sofia de Maverdrave » par Pierre Abram Sanner.

 

 

 

Les inspirations se situent du côté des genres, les mauvais dit-on : San Antonio, la culture triviale et les émois adolescents, le polar ou la chronique sociale (mais n’est-ce pas la même chose ?). Ces textes se répondent dans l’impureté même.

 

À l’exception de « Tristesse royale » de Fabien Sanchez. Un titre magnifique pour l’ouvrage à venir, écrit à la première personne. Les degrés des propos qui s’expriment varient, aphorismes, développements d’une vision de la vie désabusée, déjà, mais où étincellent parfois le désir, la beauté, « les cuisses d’une jeune et belle hippie », « sous les diamants de la pluie ». L’on voudrait parfois le secouer, le stimuler, l’on se dit « encore un jeune génial geignard et immobile (“j’ai arrêté de faire du sport il y a plus de dix ans”) » et pourtant il se dégage quelque chose d’attachant. L’auteur semble graphomane, d’autres livres sont écrits. Ces pages dans une revue donnent envie d’attendre, d’aller voir, vérifier : mission accomplie.

 

Aller vérifier : cela pourrait s’appliquer à la grammaire. Vérifier qu’il a le droit (ou raison), s’il est écrivain, de proposer (dès la première page publiée ici) : « or aucuns de mes livres ne se ressemblent. » Audacieux…

 

En revanche, puisque l’ours nous y invite, nous blâmerons Julien Hertz, le directeur, et Jean-Baptiste Bernard d’avoir laissé passer les classiques coquilles « piles de taules », « dans la cours » et « bruits de vaisselles », tous trois dans le même texte. Une cela se pardonne, trois… Mais nous sommes magnanimes.

 

Donc, c’est une revue. Mais quelle en est l’ambition ? le ressort ? Si l’on souhaite aux contributeurs les meilleurs destins, ce n’est pas l’ambition éditoriale qui prime, mais plutôt l’envie de faire groupe, de frayer en bande. Pas un des auteurs ne fait partie du comité de lecture de huit personnes (mais l’on y croise la traductrice de la nouvelle nord-américaine). La page des remerciements donne quelques pistes, dénonce un alcoolisme sous-jacent, évoque les potes, copains, copines, amis, famille et cite les noms de quelques uns (Tiens : Julien D. ! Un borborygme ? Non : Le Borborygmes. Cela fait bien longtemps…).

 

De bons auspices !

 

Yannick Kéravec