Sigila fait scandale

 

 

 

Le scandale n’est pas d’abord celui qu’on croit : en ouverture du numéro 33 de Sigila, Olivier Got, spécialiste de la Bible, l’établit savamment. En grec, skandalon désigne d’abord un piège, un obstacle visant à faire tomber. Au sens figuré et à partir d’une lecture de la Bible,  la cause (l’obstacle) s’efface devant la conséquence, la chute et/ou ses effets, le choc, l’effroi… L’usage moderne enrichit ou complique les significations du mot qui se colore de plus ou plus de pesées morales. Ce petit bagage linguistique en poche, on se glissera dans les différentes figures du scandale, éventail d’analyses sociologiques et médiatiques proposé par la revue.  Les scandales politico-financiers sont-ils une maladie de la démocratie ? interroge Damien de Blic pour conclure que « le scandale apparaît paradoxalement comme un indicateur de vitalité démocratique ». C’est encore au regard de la démocratie que le philosophe Guy Samama (et directeur de la revue Approches) situe sa réflexion : « pas de scandale sans public, sans publicité, sans diffusion, sans commercialisation. Pas de scandale sans art de la manipulation, sans affrontement ». Abondante matière pour Marie-Françoise Vieuille: les scandales musicaux. Elle s’arrête sur l’accueil de Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch, opéra créé en 1934. Triomphe immédiat. « Le chaos remplace la musique » réplique La Pravda. Mise à mort. Mais le vrai scandale est que Chostakovitch survivra et écrira quelques-unes de ses plus œuvres les plus belles. Laurence Motoret livre un court article sur les scandales en cascade au cinéma : c’est vrai qu’en la matière une encyclopédie n’y suffirait pas. Approche oblique si l’on peut dire de Jany Beretti : en compagnie de Mallarmé, de Kandinsky, elle n’aborde pas de front la figure du scandale mais plutôt l’œuvre novatrice en ce qu’elle peut surprendre, voire choquer. Sculpture pour finir avec Mathilde Desvages qui referme ainsi sa contribution : «  N’est-il pas inquiétant qu’il y ait actuellement des sociétés indifférentes à la capacité de s’indigner face à une œuvre ? » (Cette interrogation mériterait assurément quelques commentaires dubitatifs à voir, entendre, subir les émois réguliers de quelques professeurs de vertu …)

 

Rapide et fort incomplet passage en revue de cette dernière livraison de Sigila autour du scandale, l’un des envers du secret ; le secret, foyer toujours irradiant de cette publication bilingue dont on ne résiste pas au plaisir d’écrire le titre en portugais : o escândalo.

 

Marc Norget