Une revue singulière

 

Il se remarque tout de suite, que c’est un objet singulier. Le format est inhabituel, 15 x 28 cm, un bandeau contient la revue. La main glisse sur la pliure de la couverture (mais est-ce la couverture ?) : pas d’agrafe, ni de couture. Le lettrage est sobre, noir sur blanc, et le bandeau qui le masque reprend le titre, et le thème.

 

Numéro 1 / Un lieu en Belgique  Papier peint Mauvais drap.

 

Étrange, que ces quatre mots apposés. Par antiphrase, ironie ou provocation, d’autres revues ont affiché un titre à couleur négative : ainsi Nuire, ou Rien de précis chroniqué dans ces pages.

 

« Papier » est autologique ; « peint » nous promet des images ; « papier peint » revient en grâce, chez les bobos ou non, et pas que parisiens (une très belle salle « Assemblages et collages » dans l’accrochage de Paul Smith au Musée Picasso, à Paris, aux murs tapissés).

 

« drap » nous renvoie à une tradition fameuse du nord de la France et de la Belgique, où les décennies voyaient se déplacer les savoirs faire (les toiles « de Mâlines », après celles « de Templeuve »). Alors « Mauvais drap » ? au singulier de plus ? pour « Un lieu en Belgique » ?

 

Faisons glisser l’ensemble du bandeau : l’objet s’éclaire.

 

C’est une couverture, portant titre et sous-titre, numéro, date, puis la liste des auteurs ; au revers le code-barre, le prix, l’ISSN. Mais ce n’est pas la quatrième. C’est la vingtième page d’un premier sous-ensemble, pages de papier légèrement couché, pliées en deux, non liées donc et contenant de belles illustrations en couleur, vignettes, photographies, œuvres graphiques ou documents, numérotées de 1 à 37.

 

Le second sous-ensemble prolonge la pagination de 21 à 68, sur papier non couché, gris, agrafé : c’est un cahier de textes. Cette nouvelle couverture reprend le titre, précise « Revue », « Paraît deux fois par an » « Thème : Un lieu en Belgique », puis en deuxième le sommaire, ensuite des précisions de tirage (elle est numérotée) et enfin l’ours, les crédits des images, les remerciements, l’achevé d’imprimer et les coordonnées pour la quatrième : la revue nous vient de Forest, en Belgique.

 

Mais l’on s’en serait douté : le sommaire égrène Eugène Savitzkaya, Aurélia Declercq, William Cliff, Ivan Alechine, Marie Coutijzer, Stéphane Cunescu, Erik lindner, Moniek Van Meire et enfin Yves di Manno. Entendez-vous la musique de ces noms ? Et Kim Andringa encore, ainsi que Franck Venaille pour deux traductions du néerlandais des Pays Bas ou de Belgique.

 

Et l’écriture se déploie, poétique en diable, en formes variées. Parfois ponctuée de renvois au cahier d’illustrations. C’est un concours amical, une ballade en poésie et en littérature formidable. Savitzkaya commence, par ces mots : « Ayez un ciel ». Plus loin, Moniek Van Meire écrit :

« Allongée sous un homme

On distingue le ciel, ses éclairs d’ardoise.»

 

Le seul texte sans titre, de Aurélia Declercq, commence ainsi : « et à  dire ce soir d’averse Bruxelles ».

 

Stéphane Cunescu lui écrit le récit d’une déambulation, puis d’une visite particulière, en six pages qui contiennent un poème. C’est le rédacteur en chef, créateur de la revue.

 

La contribution d’Yves di Manno aussi contient « un bref récit en vers ». Ses pages sont précieuses d’informations, de connaissance où, pour nous présenter Daniel Fano, il nous parle de lui, de son parcours, en revues notamment, donc des revues et de luna park en particulier, donc des revues en Belgique à la moitié du siècle dernier, resituant ainsi Papier peint Mauvais drap dans cette riche histoire.

 

Et la revue se conclut sur sept pages de brèves, fourre-tout de faits divers, de citations et de nouvelles en trois lignes, plaisir de lecture que nous devons au rédacteur en chef, accompagné de Alexandre Lansmans, Basile Sautois et Hadrien Verlinden.

 

Rien de mauvais dans cette revue. Bien au contraire !

 

Yannick Kéravec