L’Échaudée n° 9 : revigorant !

 

Organe de « Contre culture – Critique sociale – utopie », L’Échaudée est de ces revues militantes qui ont refleuri depuis quelques années parce que les choses, lit-on, doivent changer. Elles le doivent, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent empêcher ce mouvement, tandis qu’il leur faut, moralement, admettre la faillite d’une logique du monde qui va s’effacer au profit d’un nouvel ordre, d’où la présence de cette nécessaire « utopie » en dernière position du sous-titre. Mais il faut mettre du combustible dans la machine pour qu’elle avance — il faut donc mobiliser les bonnes volontés pour construire cette culture de la révolte qui n’est certes pas celle du Marais politique, lequel n’en a pas. Justement échaudée par l’expérience passée, et parfois très récente, la rédaction de la revue file pour nous expliquer sa position la métaphore maritime : « Par ces temps de naufrage prévu, organisé, où mafieux et dépeceurs se frottent les mains, lors même qu’on décapite (comme toujours) à qui mieux mieux les gardiens de phare, l’Échaudée est ce canot où morts et vivants rament de concert, souquent et halètent – pirates de haute moralité bien sûr, révoltés qui ne se résignent pas, ou simples amoureux des vagues hautes et belles, brodant d’écume vivante leur séjour ici-bas. »

 

Et cette écume joyeuse et jaillissante nous vaut les merveilles de LL de Mars (ses bandes dessinées sont délicieuses), des vies d’auteurs prolétariens ou révolutionnaires du passé (Martin Nadaud, Ricardo Florès Magon, etc.), un « Petit abécédaire désordonné en l’honneur des Gilets jaunes » (Jean-Luc Sahagian), des notes de lectures (Joël Gayrault), des fragments d’autrefois (James Ensor), des notices sur des métiers improbables (Claude Guillon), des études comme « Peter Rambauseck et l’histoire de la gauche radicale en Allemagne, 1960-2010 » (Amies de la Société sans classe), et même, aussi peu incroyable que cela puisse paraître, l’imparable promotion du surréalisme (Alain Joubert) — rien à faire pour y couper. Idem pour le retour du fascisme, autrement plus présent dans nos existences (Amaredine Mudejar), et de manière très inquiétante. Pour dire les choses simplement, les éditions Ab Irato proposent depuis 2012 une revue riche qui offre autant d’images variées, de peintures, de bandes dessinées que d’écrits nourrissants ou sympathiques, un mélange très réussi. On y pense de longs moments : L’Échaudée n’est pas un brouet tiède, c’est un revigorant.

 

Éric Dussert