Le trente-troisième Salon de la revue s’est tenu à la Halle des Blancs Manteaux les 13, 14 et 15 octobre 2023. Les exposants et visiteurs étaient accueillis par un texte les informant de la baisse « drastique » de la subvention attribuée par le Cnl, après deux années de réduction consécutives. Nombre de revues ont exprimé leur sentiment par des messages , des textes repris pour beaucoup sur le site .
Lors du 33e Salon de la Revue qui s’est tenu en octobre 2023, à la Halle des Blancs-manteaux, à Paris, nous apprenions, consternés, que cet évènement national et unique dans son genre était menacé à plus ou moins long terme de disparition, par une diminution drastique de la subvention qu’accordait jusque là le CNL (Centre National du Livre) à l’association Ent’revues. Cette association créée en 1986, œuvre au soutien, à la valorisation et à la mémoire des revues, pan essentiel de l’édition vivante et de son histoire Les raisons de cette coupe sombre sont obscures et certainement mal fondées.
Il est on ne peut plus étrange qu’un organisme sensé soutenir l’édition soit devenu à ce point frileux qu’il ne considère pas utile de favoriser l’existence d’un Salon spécialement dédié aux revues, alors même que, par ailleurs, il alloue pour plusieurs d’entre-elles les moyens financiers nécessaires à leur création. Drôle de paradoxe, qui très certainement dissimule une intention encore plus maligne…
La disparition annoncée (ou programmée ?) d’un tel évènement serait préjudiciable non seulement à l’économie du livre dans son ensemble, dont les revues sont depuis toujours des vecteurs essentiels au développement, mais aussi à une lucidité intellectuelle sans cesse en mouvement, propre à stimuler et affermir les liens d’une identité nationale représentée par toutes ses régions et bien davantage encore, et enfin marquerait un terme au rayonnement de la capitale qui pour l’instant en est le foyer, si non le creuset.
Les deux termes qui composent le titre de cet évènement qu’est Le Salon de la Revue, conçu, préparé et conduit par l’équipe de l’association Ent’revues, méritent peut-être ici d’être précisés. Tout d’abord, ce n’est un secret pour personne, le terme de revue désigne au moins deux idées principales ; l’une, qui touche particulièrement à l’édition, distingue la publication périodique qu’est la « revue » du « journal », du « magazine », de la « gazette » en appuyant sa spécificité : une « revue » présente un « bilan d’une période écoulée dans un domaine particulier » (définition du CNTRL). En d’autres termes, une revue, quel que soit le domaine auquel elle s’intéresse, est le lieu d’accueil de la pensée et de la création, qui permet le pas de côté, la prise de recul. L’autre idée contient la notion suivante : le « fait de se revoir, de se rencontrer à nouveau. », ce qui sied précisément au sens de la fonction du second terme qu’est ce fameux Salon. Car si le terme de Salon, associé à une catégorie d’industrie ou de profession particulière (automobile, agriculture, antiquaire…), évoque l’idée d’un Marché, celui de la Revue, qui nous intéresse ici, relève davantage d’un lieu (unique par son ampleur) où aiment à se réunir, une fois par an, des passionnés, traitant de domaines aussi variés que la littérature, l’histoire de l’art, le cinéma, les sciences, l’anthropologie, la sociologie… et dans des rubriques spécialisés aussi rares que nécessaires ; un lieu où, venant de toutes les régions de France ou même de l’étranger (Belgique, Canada, Haïti…), ils échangent, partagent, comparent leurs expériences, rencontrent des auteurs qui, eux même, peuvent découvrir les multiplicités qui façonnent la culture et la pensée : ils « tiennent salon ».
Pour exister le Salon de la Revue repose sur l’ensemble des activités menées, tout au long de l’année, par l’association Ent’revues, association unique au monde et, faut-il le mentionner, « à but non lucratif » : son site internet constamment mis à jour recense et chronique toutes les revues francophones. Sa semestrielle « revue des revues » publie des études historiques, des portraits de revuistes, des études sur la situation et l’évolution actuelle des revues. Son accueil et ses conseils bienveillants ont permis à nombre de jeunes revues de voir le jour. Et, paradoxe de la menace actuelle de baisse de sa subvention, Ent’revues a souvent été sollicitée par les pouvoirs publics pour son expertise, organisant notamment de nombreux colloques.
Alors certes, asphyxier Ent’revues n’empêchera pas les revues de continuer à se faire, avec ou sans aide officielle, parce que ceux qui les réalisent croient dans l’intérêt renouvelé du partage, de l’expérimentation, de la synergie que permettent ces supports et que favorise le Salon de la Revue. Mais sera-t-il encore possible à l’avenir de continuer à découvrir en un seul lieu un tel panorama de ces nombreuses publications ?
Existera-t-il encore les conditions d’accueil nécessaires permettant de rencontrer des lecteurs toujours plus curieux d’encourager les jeunes auteurs et de guider les nouveaux venus ? Où, comment et avec qui sera-t-il possible de tenir Salon ?
Les collaborateurs de margelles