Une absence remarquée

Une semaine après l’ouverture du Salon du livre rebaptisé Livre Paris, Anthony Dufraisse regrette que l’on ne donne aucun espace ni aucune visibilité aux revues…

 

Il y a quelques jours, je me suis rendu au Salon du Livre, pardon : à Livre Paris, puisque c’est ainsi, paraît-il, qu’il faut désormais dire. Quelques poignées de main, saluts amicaux et accolades à distribuer au fil des allées. Et surtout cette mienne curiosité à satisfaire pour les nouvelles revues.

 

 

 

Hélas… Envolé, pschitt, « le pôle Revues » normalement accueilli sur le stand Ile-de-France. Quels n’ont pas été mon étonnement d’abord puis ma déception de constater l’absence de l’habituel aréopage de revues amoureusement chaperonnées par Ent’revues. Certes il y avait bien ça et là quelques revues – donc dispersées, donc noyées dans la masse –, pour celles qui ont la chance d’être portées par un éditeur qui fait aussi, par ailleurs, du livre. Certes quelques rares revues ont été invitées au titre de « jeunes pousses », mais enfin rien de comparable avec ce qui se faisait les années précédentes, quand on pouvait embrasser en un même emplacement toutes sortes de publications et constater l’infinie variété de ce domaine. Oui, jusqu’alors présentées en grappes solidaires, les revues attiraient l’œil et cet éventail suscitait curiosité et échanges. Cette fois, le gros de la troupe n’était pas de la fête ; scrogneugneu, comme disent les bédéistes… Renseignements pris, j’ai cru comprendre que la règle du jeu avait évolué depuis 2016. Celles des revues qui souhaitaient être présentes sur le stand de la région devaient mettre la main au porte-monnaie et s’acquitter d’un écot. Dans ces conditions (nul n’ignore l’extrême fragilité de la trésorerie des revues et un euro, c’est un euro), toute participation était de fait compromise ; une question d’impossible retour sur investissement, on s’en doute.

 

Cette absence groupée des revues – le nombre et la diversité faisant tout l’intérêt de la visibilité – est bien regrettable. S’il est un moment où les revues peuvent profiter d’une large audience, c’est bien ici, lors de ce Salon du Livre (désolé je n’arrive décidément pas à me faire à la nouvelle appellation) qui draine quelque 160 000 visiteurs en moyenne. Mieux : on est en droit de penser que s’il est une production éditoriale qui mérite d’être présentée au Salon du Livre, ce sont bien les revues, patrimoine et création qu’elles sont tout à la fois. À ce double titre culturel c’est la moindre des choses, même, qu’elles soient accueillies – gracieusement s’entend. On nous objectera peut-être ceci : les revues ont surtout leur place au… Salon de la Revue, un salon annuel rien que pour elles, etc., etc. C’est vrai. L’argument est recevable mais chacun sait que cette manifestation attire avant tout les connaisseurs et les familiers de l’univers de la revue tandis que le Salon du Livre permet, lui, du fait de sa fréquentation massive, d’élargir le cercle bien au-delà des seuls initiés. Bref, à défaut de leur faire honneur, le minimum eût été, cette année encore, de leur faire place et bon accueil, non ? Espérons donc que cette édition 2018 n’était qu’une triste parenthèse et que le tir sera rectifié dès l’an prochain.

 

Anthony Dufraisse