Copyright Volume !

Musiques actuelles et problématiques plastiques

par Stéphane Lucido
2002, in La Revue des revues no 32

volume! n° 1

Le postulat de la revue Copyright Volume ! publiée aux Éditions Mélanie Seteun, en collaboration avec l’Irma (Information et ressources pour les musiques actuelles : 22, rue Soleillet, 75980 Paris Cedex 20. www.irma.asso.fr), est de développer un regard et une analyse scientifiques sur les musiques populaires et actuelles telles que le rap, la techno ou le rock, ainsi que sur leur environnement et leurs moyens de production. C’est en passant ces diverses formes d’expression au crible des sciences humaines et économiques que cette revue entend réaliser son projet. À cet égard, l’éditorial est éclairant. Après un état des lieux concernant la diversité grandissante des organes de presse consacrés aux musiques actuelles depuis le milieu des années 90, au regard de la multiplicité des particularismes culturels en Occident, l’éditeur semble déplorer qu’il « n’existe pas aujourd’hui de tribune dédiée à ces nouveaux courants heuristiques » que représentent un nombre croissant de thèses consacrées à « la techno, au rap, etc. ». Copyright Volume ! se propose d’incarner l’une de ces tribunes, citant comme référence les revues Vibrations et Musique en jeu. Par ailleurs, il est précisé que la parole ne sera pas donnée aux scientifiques exclusivement, mais aussi aux enseignants, professionnels de la musique, acteurs politiques, artistes ou mélomanes. À la lecture des divers articles constituant le premier numéro, il ressort une volonté de définir ou de redéfinir les termes et les problématiques ayant trait au milieu musical et à son fonctionnement. Par quel moyen un genre musical minoritaire peut-il toucher un plus large public ? C’est une des questions que traite Fabien Hein, dans son article intitulé « Le stoner rock. Exemple de constitution d’un courant musical en France ». L’on comprend ici combien les « primo récepteurs » (premiers auditeurs / amateurs) d’un genre musical émergent sont importants dans la transmission de celui-ci et l’élargissement de son public. Plus loin, dans son article intitulé « Sonic Youth, du style au geste ou la prétention esthétique d’un groupe de rock », Marie-Pierre Bonniol tente de redéfinir tout d’abord le sens que nous donnons à l’appellation « musique populaire ». Plus globalement, l’enjeu de son article est de démontrer l’existence et la légitimité d’une démarche musicale hybride où cohabiteraient l’énergie immédiate et intuitive apparentée à la musique populaire et au rock, ainsi qu’un certain degré de conscience et de validité esthétique.
Redéfinir un objet c’est aussi redéfinir son environnement, et donc ses apports extérieurs tels que la radio ou bien les locaux de répétition pour musiciens. Dans les deux cas, comme le soulignent Vincent Sermet et Emmanuel Brandl, le poids des contraintes institutionnelles et/ou économiques imposées aux petites structures liées à la musique sont autant de carcans qui fréquemment empêchent ou brident l’évolution de pratiques et de courants musicaux. Les effets nuisibles décrits dans ces deux articles sont d’une part, le déclin des radios libres non commerciales et d’autre part, l’exemple d’une communauté de musiciens se transformant lentement en appareil technocratique afin de pouvoir exister juridiquement.
Il est certain, et l’on ne s’en plaindra pas, que Copyright Volume ! entend investir l’ensemble des sphères touchant à l’actualité contemporaine des musiques populaires. Néanmoins, il semble qu’un recul historique plus large, quant à l’évolution des mentalités, à la condition et à la démarche artistique du musicien serait le bienvenu au sein d’une revue qui par ailleurs possède une belle culture du temps présent. À cet égard, l’on peut citer l’article de Bastien Gallet consacré aux différents courants liés à la technologie musicale, et dont l’un des arguments les plus marquants est de définir le musicien « techno » (DJ ou programmateur) comme un élément « s’interposant » au sein d’une œuvre musicale préexistante, afin de la déformer. Cependant, le caractère inédit que peut sous-entendre cette affirmation doit être relativisé. Il aurait été intéressant de mentionner quelques antécédents, quand, à des époques antérieures au XXe siècle, des musiciens empruntaient déjà ce type de démarche quant à la musique que leur léguait l’histoire. Il peut s’agir notamment des transformations successives – rythmiques, mélodiques – qu’a connu le plain-chant grégorien durant une grande partie du Moyen Âge. Ce répertoire fut, à maintes reprises, récupéré, transformé, réactualisé, servant de base à de nouvelles œuvres, ce qui induisait déjà de la part du musicien, à cette époque, une forme d’interposition. Dès lors, la technique du sampling – outil devenu essentiel dans les musiques électroniques – peut être considérée comme un prolongement logique de cette manière de réappropriation qui jalonne depuis bien longtemps l’histoire de la musique en Occident.
Bien d’autres sujets sont traités dans Copyright Volume ! tels que le « Processus de création dans l’improvisation » de Mathieu Saladin ou bien le « Dub jamaïcain : du fond sonore au genre musical » par Wilfried Elfordy.
L’ensemble de ces articles regorge d’informations et de réflexions qui sont autant de clés d’approche pour quiconque désire aller plus loin dans la compréhension des musiques populaires et néanmoins contemporaines.

NdlR : la revue devient Volume! en 2011.


Partager cet article