Histoire urbaine

par Gilles Candar
2000, in La Revue des revues no 29

Histoire urbaine est une revue universitaire publiée par la Société française d’histoire urbaine que préside Jean-Luc Pinol et dont Patrick Boucheron est le secrétaire général. Elle souhaite « décloisonner les savoirs, croiser les politiques, organiser les comparaisons » en présentant des dossiers de fond accompagnés de débats et d’entretiens avec les acteurs de l’histoire et de la politique urbaine, bref proposer une revue à la fois « scientifique et lisible ». Le public recherché est situé dans les universités, les instituts d’urbanisme, les écoles d’architecture, les DRAC et enfin les bibliothèques municipales. L’identité historique dominante est assumée même si la revue se veut, comme il se doit, ouverte aux autres sciences humaines et sociales et le champ d’études revendiqué s’étend de l’Antiquité à la période actuelle.
Son premier numéro (juin 2000) justifie ces ambitions en associant des spécialistes de diverses origines et en s’attachant à un sujet d’actualité dans le débat civique et historiographique : « les loisirs et la ville : espaces, institutions pratiques ». L’enquête remonte loin : jusqu’aux couronnes de verdure des villes sumériennes, assimilables selon Marie-Françoise Besnier à des jardins urbains, ou aux pratiques du thermalisme dans les villes de l’Italie romaine (Marie Guérin-Beauvois). Elle prend toute son acuité avec les riches investigations sur les pratiques ludiques dans les villes de l’Italie médiévale (Alessandra Rizzi) et de la province française au XVIIIe siècle (René Favier), complétées par deux études monographiques consacrées à Bordeaux (Michel Figeac) et à Laval (Frédérique Pitou), et précédées d’un stimulant article : « Les charmes de l’égalité », éléments pour une urbanistique des loisirs à Paris, de Louis XV à Louis-Philippe dû à Gilles-Antoine Langlois, chargé de mission à la Ville de Paris. Numéro varié, substantiel et plaisant, même si peuvent être formulées, non des critiques, mais quelques attentes.
L’histoire urbaine demande sans doute que l’illustration des articles soit plus fournie et davantage sollicitée : Antoine Lebas dans son étude sur les piscines de Paris et de la banlieue demeure un peu isolé dans son recours fréquent à l’image. On peut aussi se demander si une revue qui souhaite élargir son public ne devrait pas d’emblée et systématiquement traduire toutes les citations en langues étrangères : Lucien Febvre le recommandait déjà aux revues savantes de l’entre deux guerres… Enfin, cette histoire des loisirs urbains, de Ninive à la piscine de la Butte-Rouge (1938) pourrait gagner à être confrontée aux évolutions actuelles, aux enjeux politiques et sociaux des loisirs urbains du XXIe siècle commençant. L’entretien que deux animateurs de la revue, Florence Bourillon et Annie Fourcaut, ont mené avec Alain Corbin, lui-même maître d’œuvre du livre collectif consacré à L’Avènement des loisirs 1850-1960 (Aubier, 1995), est évidemment aussi intéressant qu’agréable à lire. Il amène aussi à se demander si une jeune revue ne pourrait pas innover en faisant une plus large part aux débats et à la discussion, pas nécessairement à la controverse, mais par exemple à la mise en lecture d’une étude par des spécialistes d’autres disciplines et d’autres périodes, d’autant plus utile lorsque, comme ici, la revue entend couvrir un espace et un temps aussi vastes. Ainsi, un dialogue entre médiévistes et modernistes, nombreux à avoir apporter leur contribution à cette livraison, et les contemporanistes qui, avec Alain Corbin, définissent le loisir comme lié à une nouvelle relation au temps, marquée par le recul de la disponibilité et de la méditation silencieuse, par une tendance double à l’individualisation du loisir et le développement du loisir de masse, serait non seulement passionnant à suivre, mais ferait d’Histoire urbaine un « lieu de référence » recherché.


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