par Tiphaine Samoyault
2002, in La Revue des revues no 31
Les trois dernières années (1904-1906) de L’Ermitage offrent un objet d’étude intéressant et peu documenté sur une entreprise littéraire situé dans l’entre-deux, entre esthétisme et avant-gardes. Une enquête terminologique ne suffit pas à fixer la ligne de la revue : « esthétisme », « décadence », « art jeune », « symbolisme », « classicisme moderne », « transition » – catégories aux définitions instables – sont tour à tour revendiqués et rejetés dans les pages de la revue. Les termes d’avant-garde et même de modernité sont absents, inscrits en creux. Face à ces vocables fuyants et ambivalents, l’analyse de la création littéraire publiée dans la revue permet une approche moins incertaine. Revue de jeunes gens, très ouverte, rejointe par des signatures prestigieuses, mariant création et réflexion sur la création, L’Ermitage s’offre comme une revue de transition : moderne parce qu’elle défend une littérature libérée des carcans, elle ne va pas cependant jusqu’à une esthétique de la rupture, un refus global de la transmission. Loin d’une vision mythologique de la modernité comme radicale et intransitive, l’analyse de L’Ermitage permet d’en retrouver le caractère transitoire et transitionnel : en somme, l’historicité.
L’Ermitage : the search for a line between aestheticism and the avant-gardes
The last three years of L’Ermitage offer an interesting subject, however little documented, concerning a literary enterprise set in mid-course between aestheticism and the avant-gardes. A terms inquiry is not enough to define the outlines of the review – « aestheticism » , « decadence », « art jeune », « symbolism », « modern clacissism », « transition » –, one or the other is, in turn, claimed and rejected in the pages of L’Ermitage. The words « avant-garde » and even « modernity » are not there, though their absence is felt. With regard to these indistinct or ambiguous phrases, the analysis of the literary creation edited in the review allows a slightly better approach. A review made by receptive young people, supported by esteemed authors, combining creative power and the wish to meditate upon creation, L’Ermitage asserts itself as a « revue de transition » : modern because it defends a literature freed from the usual rules, it does not go as far as a complete refusal of transmission. Far from a mythological vision of modernity as basic and intransitive, the analysis of L’Ermitage allows to capture its transitory and transitional characteristic , in fact, its historicity.