Quo Vadis (1947-1958) : un brûlot érudit

par Guillaume Louet
2011, in La Revue des revues n° 45

Quo Vadis, revue poétique et satirique, dirigée de 1947 à 1958 par un méconnu des lettres, Jacques-Louis Aubrun, se caractérise par son style particulièrement percutant. Réfractaires dans l’âme mais ultra réactifs, ses collaborateurs qui, pour la plupart, ont une longue expérience littéraire derrière eux, combattent les maîtres à penser en faveur vers 1950 et les gloires qu’ils jugent usurpées. Quo Vadis donne carrière à une génération de poètes et de critiques qui n’est pas celle de la « modernité » à la mi-temps du siècle. Mais la verdeur de ton avec laquelle la revue malmène à plaisir les écrivains honorés de son époque, la préserve de la fossilisation. Elle se partage donc entre des articles au vitriol, dans l’héritage des grands pamphlétaires, la publication de poètes « aux luttes mémorables » ou celle de fantaisistes singuliers. Elle fait aussi la part belle aux études savantes. Plus que des contributions lénitives à l’histoire littéraire, il s’agit très souvent de véritables morceaux de littérature. Quo Vadis prétend ne pas se mêler de politique. Elle s’y risque pourtant avec assiduité en critiquant les prises de positions des intellectuels, surtout lorsqu’elles voisinent avec le communisme, ou l’hyprocisie. La revue de Jacques-Louis Aubrun, issue de la Résistance, affiche une certaine cohérence : elle s’ouvre en 1947 avec un réquisitoire contre l’action de De Gaulle au pouvoir et se referme en 1958, redoutant son retour.

Quo Vadis, a poetical and satirical review directed and edited by an unrecognized literary man called Jacques-Louis Aubrun from 1947 to 1958, would be best epitomized by its forceful style. Most of the contributors, impervious-minded and yet more than eager to react, were experienced writers fighting against what they assumed to be undeserved literary fames or flavors of the day, wrongly regarded as the leading heads in the fifties. Quo Vadis gave way to a generation of poets and critics who didn’t belong to the so called mid-century “modernism”. Nonetheless, the honored writers of the times were given such a rough ride with so much forthrightness and sharpness that it prevented the magazine from any danger of fossilizing. To sum up, the review published as much vitriolic articles in the great lampoonist tradition as works written by poets with “great causes” or whimsical eccentrics. Moreover, it also put scholar studies forward. It had more to do with genuine pieces of writing than with lenitive contributions to the history of literature. Quo Vadis was supposed to be non political and yet regularly dared to criticize highbrows’ positions with great attentiveness, all the more so when such ideologies were flirting with communism or hypocrisy. Jacques-Louis Aubrun’s review, stemming from the French Resistance, appears to form a coherent whole as it started in 1947 with an indictment of De Gaulle’s policy and ended in 1958, fearing his coming back to power.


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