Roven

par Yannick Kéravec
2009, in La Revue des revues n° 43

Roven : un titre étrange qui ne se réfère à rien de connu (voir ci-dessous* ce qu’il en est). La couverture de ce premier numéro est autologique : dans la lignée des trophées classiques présentant les instruments d’une science, d’un art, mais présentés de façon moins maniériste, les outils du dessinateur, mines, encres, lames, sont tous réunis dans une composition intitulée « Mikado », œuvre d’Alexandre Léger dont plusieurs pages intérieures accueillent le travail avant un entretien. Tous ? Non, si l’on se fie au contenu de la revue, il faudrait rajouter stylos, feutres, colle, ciseaux, gouache… mais aussi imprimante, appareil photo, ordinateur… Roven traite du dessin contemporain. Contemporain donc les mediums se confrontent, les genres se mêlent. Roven nous propose alors d’explorer, comprendre, se retrouver dans cet univers foisonnant où se côtoient pratiques classiques et projets surprenants.
Le dessin est abordé dans toute son ampleur, œuvre achevée ou travail préparatoire, pris comme fin en soi ou illustration.
Pour ce faire, elle se découpe classiquement en rubriques faisant une belle part aux entretiens avec des artistes, Sam Durant, Alexandre Léger, ou des acteurs du monde de l’art, Agnès b. et Laurent Boudier, directeur artistique du Salon du dessin contemporain de Paris. Pas de recension de publications récentes mais un invité se voit confier une sélection d’ouvrages, cinq ici parus entre 1979 et 2003. « L’entretien » donné par S. Durant se prolonge généreusement par la présentation de jeunes artistes de son choix et qui offrent un dessin. L’« album » réunit l’entretien de A. Léger et un portfolio qui montre encore son inscription dans le concret, le trivial.
Quatre artistes se retrouvent sur les « Aires », présentés, commentés, critiqués avec force reproductions.
Le dossier s’intitule « Pistes » et traite logiquement (?) (pour un premier numéro !) de La ligne. Quatre contributeurs (dont Joana Neves qui coordonne et présente l’ensemble) prennent le temps d’aborder ce thème par de multiples entrées, graphies d’une poétesse, Ana Hatherly, rapport du dessin au geste et à l’expressivité, extension du domaine du dessin vers la photographie proposée par Pierre Leguillon.
Est-ce le dossier qui déborde, des graphies poétiques à l’« album » où le dessinateur peut reproduire au crayon des ordonnances médicales, et dans bien d’autres pages ? Les dessins choisis proposent beaucoup d’écriture, chiffres, lettres. Déformée, triturée ou recopiée, lisible ou non : sans doute un dossier à constituer.
La revue fort bien réalisée est aboutie, généreuse. Johanna Carrier et Marine Pagès réunissent ici bien des talents et, constat assez rare – même dans l’univers des revues – pour être souligné, respectent la parité, que ce soit des contributeurs ou des artistes évoqués.
Roven est d’emblée une belle réussite. Les reproductions nombreuses saisissent les supports, aussi importants que les outils du dessin (voyez le papier déformé page 76). Leur foisonnement, leur diversité démontrent la nécessité d’un tel projet, singulier : que n’existait-il pas ? Les univers proposés s’écartent du connu, balisé, le dessin contemporain propose encore de l’étonnement, parfois de l’humour. La revue elle-même s’en empare : voyez comme se pose le sommaire sur des œuvres de Amanda Riffo. Enfin, trouvez le début du fil rouge qui court la revue, bolduc photographié de façon très graphique par Rainier Lericolais : non pas un dessin mais une ligne qui apparaît, parfois, qui finit l’emballement pour Roven. Cette revue est un vrai cadeau.

* Roven : sonorité tirée de Scrovegni, nom du commanditaire de la chapelle de l’Arena, réalisée par Giotto à Padoue en Italie.


Partager cet article