Correspondance André Gide – Léon Blum

Entre Gide et Blum, c’est l’histoire d’une amitié d’une extraordinaire longévité qui s’étend sur 61 ans, mais une amitié compliquée, parfois discordante, presque suspendue, en tout cas inquiète du côté de Blum et souvent agacée du côté de Gide.
De leur correspondance, il ne reste que 71 lettres (dont quelques-unes conjecturées et reconstituées) c’est dire qu’elle est très lacunaire et parmi les lettres retrouvées certaines ne sont guère que des billets de circonstance. Ce volume est cependant passionnant grâce au travail d’édition de Pierre Lachasse qui reconstitue les chaînons manquants de cette relation, qui retrouve l’époque ou plutôt les époques si profondément marquées par les deux hommes.
Au fil des pages, on retrouve le foisonnement des grandes et petites revues – de La Conque à La Plume et bien d’autres – qui tenaient le haut du pavé littéraire à la fin du 19e et au début du 20e siècles. Dès leur jeunesse, les deux amis ont été étroitement mêlés à des histoires de revues : Gide du côté de L’Ermitage et Blum puis Gide qui lui succéda à la prestigieuse Revue Blanche. Et La NRF ? C’est le trou noir. C’est précisément dans les moments de la création de La NRF que les chemins suivis par les deux amis vont diverger pour ne plus guère se retrouver pendant des années. Il en va des choix éthiques et esthétiques des deux hommes : alors que l’un, Blum, tout à sa passion du théâtre et dont l’engagement s’affirme, attend de la littérature une fonction sociale, l’autre avec ses amis de La NRF prône une littérature pure. Emblème de leur dissension, La NRF est donc présente/absente de ce volume. Le seul motif littéraire aurait pu signer l’arrêt de l’amitié. Mais des combats politiques communs dans les décennies à venir vont redonner un nouvel élan à ce compagnonnage. Dans l’après-guerre, les lettres crépusculaires retrouvent chaleur et une émotion…

Édition établie, présentée et annotée par Pierre Lachasse, Presses universitaires de Lyon, 2008, 216 p.