Pacifisme et antipacifisme en revues

 

Les actes du colloque international tenu à l’Institut historique allemand de Paris et organisé par ce dernier avec les universités de Paris-Est Créteil et Paris-Est Marne-la-Vallée les 15, 16 et 17 janvier 2014 viennent d’être publiés aux Presses universitaires de Rennes. Les organisateurs ont choisi de ne retenir que la « substantifique moelle » de cette rencontre, ce qui aboutit tout de même à un ouvrage fort de près de 450 pages.

 

Parmi les communications retenues, deux nous intéressent tout particulièrement. Jean-François Condette traite en effet de « La guerre agonisante. Les combats pour la paix de la revue pédagogique Le volume (1899-1914) ». Sous-titrée « journal des instituteurs, des institutrices et de leur famille », la revue Le volume existe depuis 1887. Sous la direction de l’inspecteur d’académie Jules Payot (1859-1940) qui en prend la direction en octobre 1899, elle manifeste un pacifisme patriotique, à la fois confiant dans la diplomatie française et favorable à l’arbitrage international. Cette action est concomitante avec les conférences internationales de 1899 et 1907 qui s’efforcent de mettre en place les procédures de cet arbitrage et d’une coopération internationale au niveau des États. Le volume se situe donc dans la proximité culturelle et politique du radicalisme républicain, ou au moins d’un de ses aspects, dans le sillage de Léon Bourgeois, Ferdinand Buisson et Paul d’Estournelles de Constant. Devenu recteur, Jules Payot est notamment l’auteur de La morale à l’école (Armand Colin, 1908) mis à l’index par le Vatican et dont la lettre pastorale des cardinaux, archevêques et évêques de France du 14 septembre 1909 prévoit que son utilisation en classe peut justifier le refus des sacrements aux parents des enfants concernés.

 

Ferdinand Brunetière en 1898

 

Rémi Fabre, co-organisateur du colloque, revient quant à lui à une habituée des études de revues : il analyse en effet « l’antipacifisme dans le débat culturel et politique autour de la Revue des Deux Mondes ». C’est la période où la vieille revue libérale assume parfaitement son tournant conservateur et religieux sous la direction successive de Ferdinand Brunetière (1893-1906), naguère étudié par Antoine Compagnon dans son Connaissez-vous Brunetière ? Enquête sur un antidreyfusard et ses amis (Le Seuil, 1997), Francis Charmes (1907-1915), puis René Doumic (1916-1937), tous trois membres de l’Académie française. Le plus directement politique des trois est sans doute Francis Charmes, député puis sénateur du Cantal, républicain modéré proche d’Alexandre Ribot, méfiant envers les évolutions sociales coûteuses et partisan d’une colonisation économe, collaborateur du Journal des Débats, le grand quotidien de référence pour ceux qui jugent Le Temps un peu trop avancé.

 

Rémi Fabre, Thierry Bonzon, Jean-Michel Guieu, Elisa Marcobelli et Michel Rapoport (dir.), Les défenseurs de la paix 1899-1917, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, 446 p., 35 €

 

Robert Lindet