
Les éditions de l’Encyclopédie des nuisances ont récemment publié Une Tragédie sans héros, un remarquable recueil d’essais signés Dwight Macdonald. Ce penseur critique souvent présenté comme un « Orwell américain » raconte en particulier ses souvenirs de militant révolutionnaire, traçant un tableau drôlatique des différents courants de la gauche radicale américaine des années 1920 aux années 1940. Dans ces « Souvenirs d’un révolutionnaire », Macdonald évoque sa rupture avec la Partisan Review et le lancement de Politics. Cette mémorable revue de critique et de théorie politiques parut de 1944 à 1949 et accueillit la gauche antistalinienne critique du marxisme. Macdonald en est « le directeur, le rédacteur en chef, le propriétaire, le correcteur d’épreuves, le metteur en pages et le principal collaborateur ». Dans les colonnes de ses quarante-deux numéros, paraissent des textes de Hannah Arendt, Georges Bataille, Albert Camus, Nicola Chiaromonte, David Rousset, Victor Serge ou Simone Weil.

Les pages que Macdonald consacre à cette aventure résument à merveille l’esprit de ces « petites revues » intellectuelles dont l’influence fut déterminante. Il note d’ailleurs que, dix ans après la disparition de la revue, il ne cesse de rencontrer « de vieux lecteurs nostalgiques ». Il éprouve ainsi le sentiment d’être plus reconnu pour la confidentielle Politics que pour ses articles du célèbre New Yorker. C’est que, ajoute-t-il : « Une “petite” revue est souvent lue plus attentivement que des magazines grand public car s’y expriment des points de vue plus personnels »… Apparente banalité de base à méditer.
Dwight MacDonald, Une Tragédie sans héros. Essais critiques sur la politique, la guerre et la culture, Saint-Front-sur-Nizonne : Éditions de l’Encyclopédie des nuisances, 2013.
François Bordes