Tirer toujours plus sur la ficelle !

Le vêtement d’aujourd’hui tend-il à effacer les barrières de genre ? C’est ce que semble questionner Jef Klak sur ses première et quatrième de couverture : des collages qui mêlent catch et bigoudis, punk et manucure.

Ce deuxième numéro s’inscrit dans la continuité de la comptine « Trois P’tits Chats ». « Bout d’ficelle » explore la thématique du fil, l’aborde sous toutes les coutures. Il ne s’agit pas seulement de broder autour de la mode, mais d’exploiter tous les sens du fil, du propre au figuré. Jef Klak le dit lui-même : « Entrer par le fil, tourner autour du fil, tirer un fil ou deux, dire ce qui peut se coudre et se tisser, montrer avec quoi l’on veut en découdre. »

La grande variété des sujets donne du fil à retordre à ses auteurs, et le lecteur s’égare sans jamais totalement se perdre, avec la couture comme fil rouge/d’Ariane. L’éditeur tire les ficelles de cette déambulation parmi des sujets toujours plus surprenants. Des enjeux sociétaux autant que d’apparentes futilités sont abordés, le tout formant un bel échantillon de curiosités. L’audace est de les faire figurer ensemble au sein d’une revue qui bat la concurrence à plate couture.

Bien que les limites du sujet ne tiennent qu’à un fil, Jef Klak ose parler de tout sans se défiler face aux enjeux actuels. Des sujets sensibles en tous genres : du port du voile islamique, polémique sociale et religieuse au remonte-couilles toulousain, objet méconnu dont on devine littéralement la sensibilité. Jef Klak offre à son lecteur de la haute couture pour l’esprit. Il n’a certes pas inventé le fil à couper le beurre, mais il sait s’inscrire dans son temps de façon décalée, avec spontanéité et second degré. Il tire les fils de ses inspirations dans la contre-culture, dans les voyages, de Milan à Port-au-Prince. Il évoque le bagage historique du textile à travers des fragments de l’histoire du capitalisme au XIXe siècle, mais aussi les talents de demain auprès des étudiants en CAP couture.

Pas besoin de retouche ni d’ourlet, la mise en page lui va comme un gant. Les graphistes sont les mêmes pour chaque numéro et ont carte blanche. Cette liberté engendre une maquette très mobile, avec différents sens de lecture, des typographies manuscrites qui occupent l’espace avec expressivité et répondent au caractère éclectique de la revue. « Form follows function » : Louis Sullivan et Jef Klak semblent être comme cul et chemise et partagent cette idée d’une mise en forme qui épouse le propos. Dans l’article sur trois jeunes garçons dans le vent contraire, une colonne de texte surprend par son inclinaison, comme poussée par le vent. Même la typo des titres illustre l’univers de la couture.

La revue gagne en popularité au fil du temps. Cependant, il faut de la maille pour que ce soit viable, en tirant toujours plus sur la ficelle. Alors aidez Jef parce que sa revue, ça Klak.

 

Anna Diagne & Laure-Anne Labbé